États Unis - Les récepteurs nicotiniques α3β4 désensibilisés par le menthol (11/05/2015)


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 Les récepteurs nicotiniques α3β4 désensibilisés par le menthol (11/05/2015)

La majorité des cigarettes contiennent du menthol comme additif, mais à très faible dose (0,03 %), alors que les cigarettes mentholées en contiennent entre 0,1 et 0,45 %. Le menthol, qui fait partie de la famille des terpènes, agit directement sur des terminaisons nerveuses thermosensibles pulmonaires (contenant des canaux ioniques, TRPM8, activés par le menthol) en produisant une sensation de fraicheur, et qui a, in fine, un effet analgésiant (supprimant le réflexe de toux par exemple). Cet effet analgésiant, anti-irritant, est accentué par l’effet du menthol sur les canaux ioniques TRPA1, impliqués dans la nociception.
La nicotine elle-même a un effet irritant pulmonaire et glossopharyngien (jouant un rôle important tant chez le fumeur que chez le vapoteur en provoquant le fameux « throat hit ») en activant certains récepteurs cholinergiques nicotiniques (nAChR) localisés sur des neurones sensoriels.
Le menthol pourrait ainsi réduire l’irritation provoquée par la nicotine et rendre la fumée plus facile à inhaler (jouant ainsi un rôle important dans l’initiation tabagique). Il a récemment été montré que le menthol agirait sur les récepteurs de type α4β2 et α7 (Hans et al. 2012, Ashoor et al. 2013), des récepteurs exprimés principalement dans le cerveau, et provoquerait une inhibition de ces récepteurs, et pourrait ainsi jouer un rôle dans la dépendance tabagique.
Les récepteurs nicotiniques α3β4 sont principalement présents dans les terminaisons nerveuses sensorielles, et le menthol pourrait donc jouer un rôle pour faciliter l’inhalation de la fumée de tabac.
Les auteurs ont donc étudié l’effet du menthol sur l’activité des récepteurs α3β4 en culture par des techniques d’électrophysiologie. Ils ont en premier lieu étudié le flux de calcium (Ca2+) déclenché par une application d’acétylcholine (ACh, 30 μM) toutes les 5 minutes. Lors d’une co-application de 100 μM de menthol, le flux de Ca2+ a été réduit de 47 %. Ils ont ensuite examiné l’aspect fonctionnel du récepteur par le ribidium radioactif (86Rb+) lors d’une stimulation par la nicotine. L’application de menthol a inhibé l’efflux de 86Rb+ induit par la nicotine de façon dépendante de la concentration de menthol, avec une IC50 (inhibition de 50 %) de 100 ± 8 μM.
La pré-incubation pendant 10 min avec du menthol a réduit faiblement l’IC50 (69 ± 8 μM). Afin de déterminer si le menthol agit au niveau du site récepteur pour la nicotine, un test à l’épibatidine marquée ([3H]-EB) a montré que le menthol n’agissait pas de façon compétitive (ineffectif jusqu’à la concentration de 1 mM) sur le site récepteur, ce qui indique que son action ne se fait pas au niveau du site récepteur pour la nicotine.
Dans un second temps, les auteurs ont étudié l’effet du menthol sur la désensibilisation du récepteur α3β4. Pour cela ils ont utilisé la méthode du voltage-clamp (maintien de la membrane à tension constante pour étudier le courant associé à l’activation du récepteur). L’application de 30 ou 100 μM d’ACh a évoqué une réponse, mais avec très peu de désensibilisation. La co-application de menthol à 100 μM (en plus de l’ACh), a, à la fois, accéléré et augmenté la désensibilisation. L’effet étant supprimé 60 s après que l’on ait retiré le menthol. De plus l’application de menthol seul (1-1000 μM) n’a pas eu d’effet, montrant là aussi que l’effet ne passe pas par un effet direct sur le site récepteur.
Enfin, l’effet du menthol est dépendant de la concentration d’ACh présente. En présence de menthol (300 μM), une faible concentration d’ACh (3 μM) n’a pratiquement pas eu d’effet sur la désensibilisation, mais à 30 et 300 μM d’ACh la désensibilisation a été augmentée respectivement de 25 % et 74 %. Enfin, les dernières expériences ont permis d’une part de montrer que le menthol n’agit pas comme un bloqueur de canal, mais réduit considérablement le temps d’ouverture du canal (de 32,4 ± 6,4 ms à 5,7 ± 1,1 ms) du récepteur nicotinique, mais que d’autre part la présence de menthol retarde la re-sensibilisation du récepteur.

Les effets du menthol au niveau cérébral et de son rôle dans la dépendance restent à démontrer
Les auteurs font quelques hypothèses dans leur discussion. Selon eux, la présence de menthol pourrait retarder la re-sensibilisation des récepteurs en stabilisant le récepteur dans sa forme désensibilisée. Ceci pourrait faciliter la désensibilisation des récepteurs lors de la présence d’ACh ou de faibles doses de nicotine, qui ont un faible effet sur la désensibilisation. Des modulateurs allostériques (des substances qui agissent en dehors du site récepteur, mais influence son fonctionnement) des récepteurs nAChR ont déjà été trouvés (certains ions métalliques, les hormones stéroïdiennes, et certaines substances synthétiques), et le menthol semble aussi agir de cette manière sur les récepteurs α4β2 et α7. Par contre le point intéressant de cette étude est que les récepteurs α3β4 sont les plus lents à se désensibiliser et les plus rapides à se re-sensibiliser. Ce sont eux qui sont présents dans les innervations de la bouche, de la gorge et des poumons.
En réduisant l’irritation provoquée par la nicotine, le menthol pourrait ainsi permettre au fumeur d’inhaler plus profondément et plus longtemps, et donc d’obtenir une meilleure absorption de la nicotine.
Au niveau cérébral, la désensibilisation des récepteurs α3β4 pourrait aussi atténuer les effets du manque de nicotine.
Une autre hypothèse concernant la dépendance serait que le fumeur recherche à désensibiliser ses récepteurs nicotiniques « hyperactifs » qui sont aussi de plus en plus nombreux (up-regulation). Ainsi, en présence de menthol, une moins grande concentration de nicotine serait nécessaire pour désensibiliser les récepteurs et atténuer les symptômes de manque.
Bien que les concentrations de menthol dans le cerveau des fumeurs ne soient pas connues, une étude a montré chez la souris qu’une injection intra péritonéale suffisait à obtenir des concentrations élevées dans le cerveau en 5 min, et que le menthol était toujours mesurable 60 min après l’injection.
L’interdiction du menthol dans les cigarettes (programmée dans la Directive tabac, mais repoussée à plusieurs années !) pourrait donc rendre les cigarettes moins addictives.

Ton HT et al. Mol Pharmacol. 2015 May 11. pii : mol.115.098285. [Epub ahead of print]
Article en anglais en libre accès : http://molpharm.aspetjournals.org/content/early/2015/05/11/mol.115.098285.long


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