France - Comment la dépendance vient aux fumeurs (12/01/2006)


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 Comment la dépendance vient aux fumeurs (12/01/2006)

L’équipe du Pr Jean-Pierre Changeux (CNRS et Institut Pasteur) propose une hypothèse « neuro-computationnelle », qui intègre différents processus neuronaux et comportementaux, pour rendre compte des différentes étapes de la dépendance à la nicotine.
Dans l’unité de recherche du Cnrs « Récepteurs et Cognition » que dirige le Pr Changeux à l’Institut Pasteur, on s’intéresse depuis plusieurs années aux récepteurs à la nicotine tant du point de vue de leur rôle physiologique que de leur implication dans la dépendance à la nicotine.
Aujourd’hui, l’équipe se distingue une fois de plus en présentant une élégante hypothèse « neuro-computationnelle », élaborée pour trouver des réponses aux énigmes posées par la persistance d’une action (le tabagisme), alors qu’elle est perçue comme nocive et qu’elle n’entraîne plus les sensations hédoniques du début. En reliant les différentes connaissances acquises dans le domaine, nous pouvons proposer un cadre « neuro-computationnel » donnant des correspondances avec les différentes étapes de la dépendance, indique au « Quotidien » le Dr Boris Gutkin, premier signataire de l’étude.
A la base, on sait que la dépendance à la nicotine est liée à des effets persistants au niveau des voies dopaminergiques mésolimbiques via les récepteurs nicotiniques de l’acétylcholine.
Maintenant, on cherche à comprendre comment cet effet pharmacologique qui est identifié au niveau moléculaire (la nicotine a pour effet de modifier les signaux dopaminergiques) se traduit par un comportement addictif.
Ce sont des études de modèles animaux pour le court terme et humains pour le long terme qui permettent d’avancer.
Dans un modèle murin d’auto administration, la souris a le choix entre deux manchons pour y mettre sa patte : celui de gauche distribue de la nicotine, celui de droite ne donne rien. Progressivement, la souris va choisir de plus en plus fréquemment celui de gauche, jusqu’à devenir dépendante, et alors elle ne choisira plus que celui-là.
La circuiterie cérébrale. Au niveau de la circuiterie cérébrale, ce phénomène peut être interprété de la manière suivante : à court terme, ce sont les circuits comportementaux de la récompense (mésolimbiques dopaminergiques) qui sont recrutés. Comment commence-t-on à fumer ? Réponse : en stimulant ces circuits dopaminergiques au niveau de l’aire ventro-tegmentale, sur laquelle la nicotine exerce un effet « en aigu » de potentialisation.
Ensuite, un effet à moyen terme peut être inféré à cette augmentation du niveau de la dopamine, qui affecte un circuit responsable d’une forme d’« apprentissage de la sélection de l’action » (localisé au niveau du dorso striatum et de sa liaison au cortex.)
Voilà pourquoi on continue à fumer après avoir eu la récompense : par l’apprentissage d’une action sélectionnée.
Enfin, un effet à long terme implique un certain processus inverse, qui s’oppose à l’accroissement de la signalisation de la dopamine.
L’être humain reprend une cigarette. Comme la dopamine est nécessaire à l’apprentissage, son absence tend à « geler » le comportement qui a été appris (le circuit perd sa plasticité). Le comportement se rigidifie, l’animal persiste à s’auto administrer de la nicotine (manchon de gauche). Et l’être humain, pour sa part, reprend une cigarette. Pour faire remonter son niveau de dopamine et retrouver la plasticité de la circuiterie. Cette opposition domine l’ensemble des processus et l’aspect hédonique n’apparaît plus.
Dans le long terme, entre en jeu aussi la plasticité des circuits de la décision (programmes moteurs, motivation et exécution).
Rien n’est simple en matière d’addiction. De larges pans d’inconnues demeurent encore, en particulier pour comprendre la facilité avec laquelle la dépendance s’installe. L’animal semble incapable de « désapprendre » un comportement de prise de drogue. (On n’oublie pas, on perd l’accès à certains circuits). Un ancien fumeur repenti continue à exécuter certains rituels.
Le modèle proposé par l’équipe pasteurienne a le mérite de mettre en cohérence un ensemble de données acquises par les très nombreux travaux accomplis sur ce terrain.
« Notre hypothèse neuro-computationnelle est inspirée des modèles de conditionnement par apprentissage-renforcement. Elle est cohérente avec des modèles récemment proposés dans l’addiction à la cocaïne », expliquent-ils.
Les implications pratiques ne sont pas immédiates.
On peut s’attacher à restaurer la plasticité des circuits et des comportements en l’absence de la nicotine, et/ou l’acquisition d’un nouveau modèle de comportement.
On sait de longue date que les thérapies fondées sur la punition ont fait la preuve de leur inefficacité.

Dr Béatrice Vuaille Quotidien du médecin 12/01/2006

C’est le même Jean-Pierre Changeux qui, lors des Entretiens du Carla de décembre 2005, a expliqué qu’il ne fallait plus patcher les femmes enceintes fumeuses à cause de l’augmentation du risque de mort subite du nourrisson (voir la dernière lettre 2005) (Ndlr).


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