Sénégal - Un croisé dans la lutte contre le tabagisme (30/05/2012)


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 Un croisé dans la lutte contre le tabagisme (30/05/2012)

C’était en début de mois de mai, par un dimanche ensoleillé, le docteur Abdoul Aziz Kassé, cancérologue, Président de la ligue sénégalaise contre le tabac (Listab), nous reçoit à son domicile, dans un quartier tranquille des Almadies. En robe de chambre, installé dans son bureau, il pianote sur son ordinateur alors que l’espace est empli par des sonorités de musique latino américaine. Et nous voilà installé qu’il commence à nous entretenir avec passion de son combat contre la cigarette, dénonce la force des lobbies tout en faisant part de sa crainte de voir une bonne frange de la jeunesse sénégalaise détruite par ce fléau des temps modernes. C’est passionnant, sa force de conviction captive.
Quelque deux heures de conversation déjà. Il n’arrête pas. Il y a tellement de choses à dire sur ce fléau qui tue.

« Mon histoire avec le tabac, confie le Pr Kassé, commence très tôt. Mon père était commerçant à Tambacounda. Grossiste de tabac, il était une des grandes fortunes de l’époque. Il avait des entrepôts dans lesquels étaient exposées toutes sortes de tabac. C’était dans les années 60. On s’amusait à ouvrir les cartons. Portés par l’insouciance de nos 4-5 ans nous nous exténuions dans nos jeux d’enfants. On s’amusait beaucoup dans le magasin. On s’y perdait ». En visite dans son royaume d’enfance, il convoque l’atmosphère conviviale de l’époque. Celle de ces grandes maisons ouvertes et accueillantes, sorte de carrefours où se télescopaient plusieurs familles.

« Nous habitions au quartier Pout, dans une grande concession où nous nous retrouvions : la dizaine de cousins entretenus par mon père, les enfants des employés, ceux du voisinage. Eux étaient plus grands que moi. À deux ans j’avais la taille de 4 ans. Je m’accompagnais qu’avec des personnes plus âgées que moi ». Période d’insouciance ponctuée par des chapardages, comme savent le faire les gosses. Histoire de se procurer des sensations, de taquiner l’interdit et de se draper ainsi du manteau du héros. Ce n’était pas rien. Le tout jeune Kassé qui rattrapait par la taille ses aînés se la jouait alors comme eux. Par l’imitation il estompait la différence. Faisant comme eux, il était comme eux. À leur image, celle qui veut plonger dans le monde des adultes en adoptant des codes qui l’enveloppe dans la posture.
Et le Docteur Kassé de raconter : « Mes cousins piquaient des paquets de cigarettes. Les gens fumaient du Camélia Bertome Dakar. On se partageait la cigarette. Je fume camélia. L’autre jusqu’à Bertome. L’autre jusqu’à Dakar. À cet âge là, on fumotait, entrainé par l’envie de faire comme nos aînés. Faire sembler. Frimer pour grandir. Après cela ne m’a plus intéressé ». C’était le monde de la représentation. Et puis voilà que poussé par on ne sait quelle lassitude, il s’est éloigné de ce jeu, complètement désintéressé. Le virus de ses vertes années le rattrapera quelques années plus tard, loin de son Tamba natal.

« J’ai fumé beaucoup plus tard, dans les années 70, lorsque j’étais étudiant en faculté de médecine », confie t-il. Pendant cette période, comme s’il bénéficiait de la protection d’un ange gardien, il observait étrangement une petite discipline. « Conscient des troubles de mémoire que cela pouvait occasionner, je m’arrêtais de tirer sur ma cigarette pendant la période des révisions. Je reprenais après les examens. Jamais donc pendant les moments où je devais m’exercer à mémoriser mes cours », révèle-t-il.
Le challenge en valait la peine. Après ces périodes de discipline qui se sont soldées par une réussite universitaire, comme en décompression, il se lâche. Et ça déroule. Comme s’il fallait rattraper le temps perdu. « Quand je suis revenu de formation de Montpellier, je fumais jusqu’à 50 cigarettes par jour. Et j’y ajoutais la pipe et le cigare. Si je n’opère pas, je pouvais fumer de façon continue. Lors de mes enseignements, il m’arrivait de fumer en amphithéâtre devant les étudiants ».
La vigilance défaite, il faisait dans l’excès jusqu’au jour où se produit un événement qui l’interpelle, et le fait sortir de ce qui ressemblait à une sorte de descente aux enfers. Et le Pr Kassé de confier : « Un jour, il m’est arrivé d’expédier une opération assez délicate avec une rapidité déconcertante. C’était un sarcome retro-péritonéal (cancer des ganglions). Cela m’a interpellé car c’était une opération délicate où la moindre erreur pouvait porter à conséquence. Pour ne pas arranger ma culpabilisation, il se trouvait que le malade était un employé de mes amis ».
On se pose d’autant plus des questions qu’il s’agit de vie et de mort. « M’interrogeant, j’ai compris que j’étais comme soumis à un besoin pressant de fumer. C’était en 1989. Sorti de là je me suis retrouvé, plus tôt que d’habitude, au domicile de mon ami, l’expert-comptable Sakhir Diagne.
Je lui raconte ma mésaventure. Prenant conscience de la gravité de l’acte, nous avons ensemble la décision d’arrêter de fumer ».
En identifiant la dangerosité de sa dépendance au tabac, il en a tiré une conclusion radicale porté par l’envie de ne plus risquer la vie d’un patient. Il s’arrêtera net, avec la brutalité d’une lucidité qui ne veut pas d’une quelconque récidive. Le Pr Kassé est catégorique : « Le sevrage brutal est la seule façon d’y arriver ». On ne sort pas indemne d’une telle expérience. Cela s’est transformé en sorte de mission.
Du dedans il en a compris le danger multiforme et a décidé de se muer en croisé de la lutte anti tabac. Ajoutant ainsi une autre flèche à son arc : « Ensuite je suis allé en France en 1991, à Paris, et me suis inscrit pour une spécialité en tabacologie. Je suis revenu au Sénégal en 1993 ».

Publié par Vieux Savane le 30/05/2012
http://www.sudonline.sn/un-croise-de-la-lutte-contre-le-tabac_a_8599.html


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