Madagascar - Le tabac à chiquer, goudron du pauvre (01/01/2002)


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 Le tabac à chiquer, goudron du pauvre (01/01/2002)

Un Malgache sur trois, au moins, chiquerait, par tradition, par pauvreté. Et sans savoir qu’il s’expose au cancer de la bouche. Dans la Grande Île, aucune étude n’a été menée à ce jour sur l’impact de cette habitude sur la santé de la population.

Quand on dit tabagisme, on pense généralement au tabac à fumer. Mais à Madagascar, cette équivalence est fausse car il y persiste une forte tradition de la chique surtout dans les campagnes. Une thèse en médecine de 1995 estime que près d’un Malgache sur trois (31 % de la population) mâche du tabac, tout en soulignant que ce chiffre est sous-estimé car il ne tient pas compte de la production artisanale qui, elle, échappe à tout contrôle.
Mesurer l’impact de cette habitude sur la santé des Malgaches est tout aussi malaisé. « Aucune donnée épidémiologique n’est disponible sur place », se borne à constater une étude. Les statistiques sur les cancers des voies respiratoires comme de la bouche ne sont pas significatives dans ce pays où l’accès aux soins est particulièrement faible. Seule une étude restreinte menée sur le tabagisme chez des femmes enceintes de Tananarive a montré que la majorité de celles qui chiquent ont un faible niveau d’éducation.
Trop pauvres pour s’acheter des cigarettes, elles se rabattent sur le tabac à chiquer 20 fois moins cher.
Une même dépendance à la nicotine pourtant, « plusieurs études de même que la pratique médicale à travers le monde ont établi un lien concluant entre le tabac à chiquer et le cancer de la cavité buccale, peut-on lire sur le site de la Société canadienne du cancer. Qu’on mâche le tabac ou qu’on le fume, la dépendance à la nicotine est la même, sauf que dans le cas du tabac à chiquer, la nicotine est absorbée par les muqueuses de la bouche ».
Ravony a 65 ans. Elle chique depuis l’âge de 12 ans. Elle n’a jamais pensé que cela pouvait nuire à sa santé. « Il ne m’est jamais arrivé à penser au sevrage », dit-elle. Elle est au contraire convaincue que « c’est un remède contre plusieurs maux dont ceux d’estomac et les rages de dent ».
De nombreux Malgaches croient la même chose et mettent en avant les propriétés antidouleur de l’herbe à Nicot. Les chiqueurs se divisent toutefois en deux écoles : ceux qui ne jurent que par les préparations artisanales parce que plus fortes et ceux qui, comme Ravony, ne mâchent que le tabac fabriqué industriellement bien que le paquet de 15 grammes leur revienne plus cher (250 fmg au lieu de 100 fmg soit 3,7 centimes d’euro au lieu de 1,4). Elle se méfie du tabac à l’ancienne : « Je ne sais pas ce qu’on met dedans ». Cela lui donne des nausées et des étourdissements. À Madagascar, on ne quémande pas une cigarette, on tend la main pour demander quelques brins.
« Moi sans le tabac à chiquer et le café ? Impensable, ils me donnent des forces. Je préfère ne pas manger », lance une vendeuse de brèdes ndlr : légumes, feuilles.

Commerce illicite au grand jour
En théorie, la vente de tabac hors du circuit officiel est prohibée : toute la production nationale doit passer par l’Office malgache du tabac (Ofmata).
Celui-ci achète leur récolte aux producteurs mais à des prix si bas et avec de tels retards de paiement que ceux-ci sont quasiment poussés à en soustraire une partie pour préparer leur mixture et la vendre. Ce commerce illicite se fait au grand jour. Sur les marchés, en ville comme en brousse, s’alignent de petits tas de tabac moulu marron foncé, vendu soit dans un paquet rudimentaire soit à la cuillère. Toutefois, les Malgaches qui ont le privilège de savoir lire peuvent voir cet avertissement insolite dans les taxis-brousse : « Interdit de transporter du tabac artisanal ».
Hormis cet avis platonique, les autorités n’ont jusqu’à présent pris aucune mesure pour réprimer ce trafic, pas plus que le tabagisme lié à la cigarette. Le service de lutte contre la toxicomanie ne dispose même pas d’un bureau ce qui est assez révélateur de la place de la lutte anti-tabac dans la Grande Île. « C’est nouvellement créé », nous a-t-on répondu en guise d’excuse. « Peut-on rencontrer le responsable ? » Réponse : « Euh ! Vous pouvez laisser un message ». Étonnant lorsqu’on sait que le Gouvernement malgache a signé la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte anti-tabac. Un responsable local de l’OMS interrogé estime que dans la lutte contre le tabagisme il n’y a pas lieu de distinguer cigarettes et tabac à chiquer. Il appelle à contrôler les publicités. Mais les pubs sur le tabac à chiquer industriel sont rares.
Quant au tabac artisanal, il n’en a nul besoin. La tradition suffit à sa promotion.

Hélèna Razafiarisoa Syfia International
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