RDC - Mobiliser contre le tabac pour mieux le vendre (31/12/2005)


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 RDC - Mobiliser contre le tabac pour mieux le vendre (31/12/2005)

La publicité sur le tabac est désormais interdite dans les médias du Congo/Kinshasa et de nouvelles règles sur l’étiquetage des cigarettes ont été édictées. Une occasion pour le seul fabricant du pays d’éliminer la concurrence en finançant la promotion du nouvel arrêté dans les journaux.
À Kinshasa, le fabricant et les importateurs de cigarettes ont obtenu un sursis pour l’application de la règlementation de la publicité sur le tabac. Ces dispositions interdisent toute publicité sur le tabac dans les médias.
Banderoles et panneaux routiers vantant les produits du tabac sont également interdits.
Sur les paquets et cartons de cigarettes vendues en RDCongo devra figurer l’avertissement sanitaire « Fumer est préjudiciable à la santé ». Cette mention est pratiquement la même que celle qui figurait déjà sur une marque bien connue produite par Tabacongo, mais elle devra désormais être plus visible sur les paquets et articles promotionnels. Un gros fumeur avoue n’avoir « jamais fait attention à cet avertissement sanitaire ».
Pas évident non plus qu’il comprenne les mentions sur la teneur en goudron et en nicotine rendues dorénavant obligatoires sur chaque paquet.
Ces avertissements risquent, comme dans la plupart des pays africains, de passer totalement inaperçus, car la majorité des fumeurs achètent les cigarettes à l’unité (à la « tige ») et voient rarement la couleur d’un paquet de cigarettes.

Les importateurs sur les charbons ardents
Si les fumeurs, inconscients du risque, se préoccupent peu de tels détails, les importateurs eux sont sur les charbons ardents. Ils vont se trouver dans l’incapacité de faire figurer la mise en garde sur les paquets de cigarettes qu’ils commercialisent, celles-ci étant fabriquées dans des pays où la législation est différente de celle de la RDCongo. Ils sont d’autant plus coincés que les mentions en question devront être faites en français. Un quotidien de Kinshasa écrit à ce sujet : « On ne pourra plus importer n’importe quoi et de n’importe où », à moins d’aller à l’encontre des nouvelles dispositions et d’en payer le prix. Outre la saisie et la destruction des produits, il est prévu des amendes pouvant atteindre 50 000 dollars et le double en cas de récidive contre tout contrevenant aux dispositions.
Il est clair qu’à moins de se cantonner à la contrebande, les importateurs sont contraints à disparaître, laissant ainsi le champ libre à Tabacongo, déjà unique entreprise produisant des cigarettes en RDC. Tabacongo, filiale de Rothmans (Canada), et BAT-Congo, filiale de British American Tobaco (Royaume Uni), ont fusionné pour donner naissance à Tabacongo, qui est restée dans le giron de la multinationale BAT. On se retrouve donc en RDCongo avec un fabricant, plus ou moins assuré de garder ses parts du marché, et des importateurs étranglés par l’arrêté du ministre de la Communication et Presse.
À Kinshasa, des observateurs s’interrogent sur la publication, à plusieurs reprises, de textes, signés ou non, commentant l’arrêté. Ces articles, visiblement rédigés de la même plume, avec tout le même style de titre et accompagnés de croquis identiques, ont été publiés en décembre 2002 puis en mars 2003 par quatre quotidiens privés de Kinshasa. « C’est de l’espace payé », reconnaît-on dans l’un des quotidiens engagés dans cette campagne sans toutefois dévoiler le nom du payeur.
Compte tenu de l’avertissement adressé aux importateurs qui seraient en infraction avec le nouvel arrêté, cette opération de communication semble faire partie d’une stratégie commerciale destinée à préserver voire à accroître les parts de marché de Tabacongo. La publication de ces communiqués déguisés en articles serait donc l’un des épisodes de la rude bataille que se livreraient les opérateurs du secteur.
Dans les milieux intéressés, on dénonce les importateurs accusés d’agir au noir pour échapper au paiement des taxes.
Résultat : une tige de la cigarette importée de marque Yes coûte moitié moins cher (10 francs congolais) qu’une tige de production locale (Ambassade).

Surprenante contre propagande
Dans le sillage des firmes internationales qui assurent ne viser que les adultes, Tabacongo a mené une campagne de « prévention du tabagisme chez les mineurs ». Largement couverte par la presse, la campagne s’était déroulée dans des écoles de Kinshasa et de Lubumbashi, la deuxième ville du pays. Un concours de dissertation sur le sujet avait été organisé pour l’occasion.
Selon le directeur général de Tabacongo, c’est l’ampleur du phénomène du tabagisme infantile qui a conduit l’entreprise « à rechercher avec d’autres composantes de la société des solutions vraies, des solutions justes à ce problème de société ». Au Congo, comme ailleurs, beaucoup s’interrogent sur cette stratégie commerciale de contre propagande susceptible de priver les cigarettiers de leurs futurs clients. Et certains d’ironiser : s’en remettre aux firmes pour lutter contre le tabagisme, c’est un peu comme confier ses économies à Al Capone.

Pauline Ouesso Syfia International 31/12/2005
IUHPE – Promotion et éducation, supplément 4 2005
http://ped.sagepub.com/content/12/4_suppl/36.full.pdf


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