Venezuela - Cette pâte noire nommée chimó (16/08/2008)


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 Cette pâte noire nommée chimó (16/08/2008)

À ce qu’on dit, on le consomme de plus en plus dans les discothèques de New-York. Et pour cause : il permet de respecter l’interdiction de fumer, tout en continuant à profiter discrètement des effets du tabac ! C’est le chimó.
Il est vénézuélien. Ou plus exactement originaire de la partie occidentale de ce qui est aujourd’hui le Venezuela. De substance ancestrale consommée traditionnellement dans les villages andins, il est devenu produit à la mode parmi certaine jeunesse urbaine, et même produit d’exportation. Quelle est donc l’histoire de ce chimó ?

Usage préhispanique
L’usage du chimó remonte au passé préhispanique, comme l’attestent les témoignages des premiers découvreurs des Andes vénézuéliennes. Ceux-ci racontent comment les indigènes locaux préparaient le mó, une pâte obtenue à partir de tabac, et le mélangeaient avec du chi, une « roche blanche » pulvérisée qu’ils trouvaient au fond d’un lac. Ils obtenaient ainsi le chimó, l’une des formes de tabac à mâcher les plus anciennes qui soit. Signalons, du reste, que la combinaison de tabac et de carbonate de soude est bien connue dans d’autres civilisations : l’alcalinité du carbonate favorise l’absorption de la nicotine dans le système nerveux, accentuant ainsi ses effets.
Quatre cent cinquante ans après ces premiers témoignages, l’endroit existe toujours : il s’agit du lac de Urao (aussi appelé Yohama, de son nom indigène), situé à Lagunillas, près de Mérida. Quant à la roche blanche, une fois analysée, elle s’est révélée être du sesquicarbonate de soude. Le chimó est toujours fabriqué dans des installations artisanales ou semi-industrielles, non seulement dans la région de Lagunillas, mais aussi dans toute la partie occidentale du Venezuela.

Recette inchangée
Sa recette reste inchangée : on fait bouillir des feuilles de tabac pendant de longues heures jusqu’à obtenir par évaporation une pâte noire d’une certaine consistance, puis on y ajoute du bicarbonate de soude et quelques ingrédients supplémentaires, histoire de le condimenter. Ces ingrédients varient de région à région, ou de fabricant à fabricant : sucre brun, mélasse, farines, hypochlorite de soude, peau de banane séchée, cendres de quenettier (Meliccoca bijuga), yoco, extraits de vanille, alcool anisé, etc. Chacun y va de sa recette « authentique ».
Pour le consommer, on place une boule de cette pâte de la grosseur de deux grains de riz derrière les incisives. Le produit provoque une forte salivation et se dilue. Mais attention : on n’ingère pas le chimó, on le recrache au fur et à mesure de sa dilution. C’est ce qui explique les nombreuses tâches de couleur brun rougeâtre que l’on rencontre sur le sol là où on le consomme ! Pas toujours très ragoutant !

Produit d’entrée
Les effets du chimó sont proches de ceux de la feuille de coca. Les anciens le consommaient pour combattre la fatigue (il augmente la capacité de travail) et la faim (il diminue l’appétit), sans compter qu’il procure un certain état d’euphorie. Dans les zones rurales et dans les quartiers pauvres des villes, sa consommation est une habitude ancestrale qui se reproduit de génération en génération et fait partie intégrante de la culture traditionnelle.
Mais voilà qu’un autre public l’adopte : selon une enquête récente, dans les écoles secondaires, 7,8 % des garçons et 3,5 % des filles consomment régulièrement du chimó. Étant en vente libre, il s’agit d’un produit d’accès facile, qui est bien meilleur marché que les autres formes de tabac. Il apparaît ainsi que, pour les adolescents, le chimó est devenu une sorte de produit d’entrée vers d’autres formes de drogues. Dans la foulée, le chimó a perdu son image de « produit du pauvre ». Il est maintenant consommé indistinctement dans toutes les classes sociales, jusque dans les discothèques new-yorkaises !

Un beau débat
Le gouvernement s’en est alarmé. Contenant 28 substances cancérigènes dans sa composition, le chimó serait à l’origine de la recrudescence du cancer du larynx, des lèvres et de la langue constatée dans certaines zones du pays. Aussi le ministère de la Santé vient-il d’organiser le premier « Atelier national de régulation du chimó comme produit dérivé du tabac ». En plus d’étudier et de règlementer la façon dont est fabriqué le chimó, la réunion se proposait d’élaborer une politique de prévention dans le but de diminuer sa consommation parmi les jeunes. Le vieux produit ancestral est donc devenu une question de santé publique.
Mais tout le monde ne l’entend pas ainsi. Ses défenseurs insistent sur le fait que le chimó fait partie du patrimoine culturel du Venezuela, car il renvoie directement aux racines indigènes du pays, et qu’à ce titre il faut le protéger.
Un beau débat en perspective au sein du gouvernement, qui risque d’être déchiré entre sa vision indigéniste et nationaliste, d’une part, et ses objectifs de santé publique, d’autre part. Il serait tout de même aberrant de justifier et défendre la production et consommation de la feuille de coca en Bolivie, comme l’a fait Hugo Chávez aux côtés d’Evo Morales, et de s’attaquer par ailleurs au chimó, qui n’est autre qu’une sorte de coca national !

Jean-Luc Crucifix 16/08/2008
http://venezuelatina.com/2008/08/16/cette-pate-noire-nommee-chimo/


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