– Le cancer de la place Rimbaud* (04/01/2007)
Il y a quelques semaines, c’est-à-dire vers la fin de l’année dernière (2006), l’œil d’Abou s’est arrêté sur une affiche publicitaire géante vantant les « qualités » d’une marque de cigarettes.
Ce cliché, nous l’avons bien sûr publié dans le numéro 152 du jeudi 21 décembre 2006 du journal avec le commentaire suivant : la pub qui tue. Naturellement, la Rédaction s’attendait à une réaction « indignée » de la part des propriétaires de cette affiche placée en bordure de la route de l’aéroport. Que nenni !
Un autre exemplaire de l’affiche a été planté le lendemain au milieu de la place Rimbaud, à mi-chemin entre le minaret de la vieille Mosquée et le marché central.
Évidemment, c’est l’endroit idéal vu que cette pub vise avant tout les jeunes et que cette place est un terminus où, chaque jour que Dieu fait, les bus déposent, entre autres, des milliers de lycéens et de collégiens.
L’affiche, aux dimensions impressionnantes, représente un lion à la crinière dorée et un paquet de cigarettes avec le slogan suivant : le goût noble. Cette affiche, au demeurant très belle, risque de réduire à néant tous les efforts entrepris par le ministère de la santé dans le cadre de ses multiples campagnes antitabac. Elle risque de faire autant de dégâts que le fameux cow-boy Marlboro.
A défaut de cow-boy, c’est le lion, avec toute la puissance associée à son image, qui est utilisé pour inciter les jeunes à fumer.
Cette affiche est indécente car elle a un charme fatal comparable à celui de la tapineuse de la rue d’Éthiopie.
Que diable cette dangereuse affiche fait-elle au milieu de la place Rimbaud, s’imposant au regard des passants ? Comment peut-on accepter que la publicité pour le tabac prenne de telles proportions dans un pays comme le nôtre dont les gouvernants cherchent par tous les moyens à améliorer la santé de la population ?
Le tabac est un poison et doit être considéré comme tel. Et cette affiche qui nargue toutes nos bonnes résolutions signifie que pour les fabricants de cigarettes, l’Afrique constitue un marché juteux qu’il faut coûte que coûte préserver. Car partout dans le monde, la publicité pour le tabac est interdite. Et la cigarette a été bannie de tous les lieux publics. Qu’attendent donc nos élus pour légiférer dans ce sens ? « Cela ne saurait tarder », affirme A, un député non fumeur.
En Europe, les Anti-OGM ont inventé une méthode qui leur vaut de fréquents séjours en prison : ils saccagent les champs de maïs qu’ils soupçonnent de ne pas être bio. Même s’ils se disent choqués par cette affiche malsaine et impudique, les « Antitabac » djiboutiens, eux, se contentent d’appeler de leurs vœux une loi interdisant la pub pour la cigarette.
En attendant, le retrait de ces affiches s’avère urgente. Il s’agit là d’une question de salubrité publique. Une petite précision, enfin : l’auteur de ces lignes est un fumeur invétéré.
Extrait du journal La Nation Djibouti
ABS La Nation 04/01/2007
*Officiellement elle s’appelle aujourd’hui Place Mahamoud Harbi (Ndlr)