– Arrêter de fumer avec la vaporette : les conseils d’un tabacologue (31/08/2018)
Jacques Le Houezec explique lors du Vapexpo à Paris en 2017, les bases à connaitre pour conseiller correctement un fumeur qui souhaite s’essayer au vaporisateur afin de stopper sa consommation de cigarettes. Retour sur cette conférence, à destination première des boutiques spécialisées, mais aussi de tous ceux qui veulent aider un proche.
Ce qu’il faut savoir sur la nicotine
C’est quelque chose que l’on maîtrise déjà depuis de nombreuses années, pour la plupart des gros fumeurs, un patch seul ou des gommes seules ne vont pas fonctionner. Il va falloir associer les produits de façon à obtenir une dose de nicotine qui soit suffisante, et avec la vape c’est la même chose sauf que l’on a des contraintes qui ont été introduites par la réglementation européenne.
La cigarette c’est une Ferrari, la vape c’est une 2 chevaux, on va au même endroit, mais pas à la même vitesse.
L’une des plus fortes contraintes, si ce n’est bien évidemment la limitation des volumes des fioles d’e-liquide, c’est le dosage maximal. C’est surtout le dosage maximal dans un état d’esprit de la profession de la vape où malheureusement cette nicotine n’est pas prise suffisamment en compte, et où l’on se retrouve avec des systèmes qui ne sont pas adaptés aux débutants, et avec des fabricants de liquide qui n’osent pas aller jusqu’à des valeurs de 18, 19 ou 20 mg par millilitre. Malheureusement les e-liquides sur le marché sont trop souvent sous-dosés.
Le problème du tabagisme c’est la fumée, c’est la combustion, ce n’est pas la nicotine. J’ai pour habitude de dire, et cela fait sourire beaucoup de gens, que l’on pourrait fumer de la salade séchée, on aurait exactement les mêmes toxiques dans la fumée qu’avec le tabac.
Le problème du tabac, ce n’est pas le tabac en soi, et surtout pas la nicotine, c’est la combustion. Bien évidemment l’idéal c’est l’arrêt total, et avec la vape, c’est en tous cas le conseil que je donne dans mes formations, il est important que le fumeur qui entre dans une boutique, arrête de fumer le plus rapidement possible.
La cigarette c’est une Ferrari, la vape c’est une 2 chevaux, on va au même endroit mais pas à la même vitesse. Et quand le cerveau fait la compétition entre la Ferrari et la 2 chevaux, vous savez qui va gagner.
La réduction du risque consiste à proposer aux fumeurs une alternative au tabagisme et pas nécessairement une abstinence totale, ni de tabac, ni de nicotine.
Le tabac peut être consommé sous d’autres formes comme le Snus en Suède par exemple, qui est un tabac à chiquer moderne on va dire, et qui supprime la combustion, c’est le principal but que l’on recherche.
Le problème encore une fois c’est la fumée. C’est un système très complexe avec plus de 7 000 (4 000 Ndlr) produits chimiques dont pratiquement 70 sont cancérigènes chez l’homme. La nicotine n’est pas cancérigène.
Les informations trompeuses des cigarettes de tabac
On entend encore trop souvent dire “heureusement avec le paquet neutre les taux de goudrons et de nicotine ont disparus sur l’emballage”, mais c’est quelque chose qui, en tant que scientifiques, que l’on a demandé depuis plus de 15 ans. Cela trompe l’utilisateur, le fumeur croyait utiliser des cigarettes moins dangereuses. Ce n’est pas vrai, au contraire.
Finalement il y a une étude récente américaine qui confirme que les cigarettes légères sont plus dangereuses, pour la simple maison que le fumeur sait doser sa nicotine, et donc il va aller la chercher dans n’importe quelle cigarette. Cette étude vous le montre, quel que soit le rendement en nicotine des cigarettes, même les cigarettes ultra légères, le fumeur est capable d’aller chercher la quantité de nicotine dont il a besoin. Un fumeur peut tirer entre 1 et 3 mg de n’importe quelle cigarette. Ayez toujours ça en tête.
Un fumeur sait doser sa nicotine
Si vous avez à faire à un fumeur de roulées, vous multipliez le nombre de cigarette par 2. Quelqu’un qui est à 10 roulées par jour, c’est l’équivalent de quelqu’un qui fume un paquet de cigarettes. Quelqu’un qui est à 20 roulées par jour est en fait à deux paquets de cigarettes par jour.
Le problème du tabagisme vient aussi du fait que la nicotine reste très peu de temps dans l’organisme.
C’est quelque chose à tenir en compte justement pour apporter une dose suffisante de nicotine afin que le l’arrêt du tabac soit confortable.
Cette étude a été faite pour démontrer qu’il n’est absolument pas dangereux (sur la plan de la nicotine) de continuer à fumer tout en ayant des patchs, même à très forte dose.
Le problème du tabagisme vient aussi du fait que la nicotine reste très peu de temps dans l’organisme. La demi-vie d’élimination de la nicotine est de 2 h en pharmacologie, cela veut dire qu’au bout d’une nuit de sommeil, vous n’avez plus de nicotine dans le sang.
Cela vous donne un cycle nycthéméral, un cycle jour-nuit, idéal pour entretien de dépendance. Tous les matins on recommence à zéro.
C’est pour cette raison que le tabagisme est un si grand problème, c’est la seule substance psychoactive que l’on consomme aussi fréquemment. Un fumeur de 20 cigarettes par jour, 10 bouffées par cigarettes, c’est 200 petites stimulations, 200 petites récompenses, c’est du plaisir 200 fois par jour associé à tous les comportements de la vie. C’est le petit rat dans sa cage en train d’appuyer 200 fois par jour pour avoir une petite décharge ou une petite libération de dopamine.
Pourquoi la cigarette est si addictive ?
À cause de la vitesse d’arrivée de la nicotine en intra-pulmonaire. La nicotine en soi n’est pas addictive. Il y a une différence entre la nicotine absorbée avec une cigarette, et là on peut parler d’addiction. Une addiction c’est une dépendance qui a des conséquences néfastes sur la santé de l’individu et éventuellement d’autrui, ce qui est tout à fait le cas avec le tabagisme.
Avec les substituts nicotiniques et avec la vape, la nicotine rentre beaucoup plus lentement dans l’organisme, et ne provoque pas de forts pics de nicotine au niveau cérébral. Cela peut créer une dépendance mais au même titre que l’on peut être dépendant au café, ou de son carré de chocolat, de son téléphone portable, mais nous sommes dans la dépendance, on est plus dans l’addiction.
Ne pas avoir peur de la nicotine
C’est quelque chose de très important à faire comprendre aux fumeurs parce que cela fait 30 ans en France, que dans toutes les campagnes antitabac, on tape sur la nicotine, on ne tape pas sur la fumée, on tape sur la nicotine.
Le fumeur a peur de la nicotine, tout le monde a peur de la nicotine. La nicotine n’est pas plus dangereuse que la caféine, c’est un stimulant c’est tout. Et il n’y a pas de danger particulier à consommer de la nicotine aux doses qu’un fumeur ou un vapoteur consomme.
Il n’y a donc aucune urgence non plus pour baisser son taux de nicotine. Quand on voit en boutique, parce que je l’ai vécu avec des patrons de shops, arriver des gens qui ont commencé avec du matériel non adapté en 6 mg, alors qu’ils fumaient un paquet de cigarettes par jour, ça ne peut pas le faire.
Le plaisir c’est la clé
Il va y avoir un travail à demander aux professionnels de la vape : celui de fournir des systèmes qui permettent de délivrer de fortes doses de nicotine avec un tirage relativement serré, comme on a pu connaître au début de la vape, et qui malheureusement à cause de 2 ou 3 % de population, on va dire “geek”, fait que la vape s’est détournée de son but principal, qui est celui de faire arrêter les gens de fumer.
Que la vape devienne un plaisir, tant mieux, et c’est pour ça que ça marche. Le plaisir c’est la clé. Mais le premier rôle d’une boutique de vape c’est d’aller chercher les fumeurs. Sauf que, en tout cas en France et dans beaucoup de pays, on ne peut pas faire de publicité. Et bien votre meilleure publicité, ce sera vos clients.
Satisfaire le fumeur
Si vos clients sont satisfaits, si vous leur apportez le service qu’il faut, s’ils arrivent à arrêter de fumer facilement, et bien d’autres fumeurs viendront franchir la porte de votre boutique.
Encore une fois ça c’est pour illustrer le fait que la vape c’est une 2 chevaux, la cigarette c’est une Ferrari, ce qu’on obtient en cinq minutes avec une cigarette il va falloir entre 30 et 45 minutes pour l’obtenir avec la vape. Ça il faut le faire comprendre aux fumeurs.
Il va falloir leur faire comprendre qu’effectivement leur comportement va changer, que la consommation de nicotine va être beaucoup plus régulière au cours de la journée, et que oui, on va leur dire autour d’eux “mais tu l’as tout le temps à la bouche, tu es tout le temps en train de tirer dessus, etc.”. Oui c’est normal, on n’est pas sur le même mode de consommation, et pour obtenir la bonne dose de nicotine il va falloir vapoter plus régulièrement qu’on ne le faisait avec des cigarettes de tabac.
Comment fait-on pour conseiller un fumeur ?
Le premier leitmotiv, le premier mot, c’est rassurer. Un fumeur il a la trouille. Il a la trouille d’arrêter de fumer et il a surtout la trouille d’avoir mal. C’est là où la vape est une révolution dans l’arrêt du tabac, c’est qu’elle permet d’arrêter pour la première fois dans le plaisir, et non plus dans la douleur. C’est ça qui fait que ça fonctionne.
Si l’on baisse brutalement son taux, on consomme plus de liquide.
Pour autant ça ne fonctionne que si l’on utilise des doses de nicotine suffisantes au début. Pour vous donner une indication en boutique, lorsque j’interviens lors de mes formations, quelqu’un qui est au-delà d’un paquet de cigarettes par jour je lui conseille systématiquement de rajouter un patch au plus fort dosage pendant quelques temps. Le 18 mg ne sera pas suffisant, il faudra un patch. Ça pourra durer 15 jours ou 6 mois s’il le faut, ça va faire une transition, et à un moment donné on arrête le patch et on continue, et surtout, on prend son temps pour baisser la nicotine. C’est votre corps qui doit décider le moment où l’on doit baisser la nicotine, pas vous.
Ce qu’il se passe si l’on baisse trop tôt, et je le vois régulièrement, c’est de passer à une surconsommation. Si l’on baisse brutalement son taux, on consomme plus de liquide. Il y a du manque qui s’installe de façon insidieuse et on ne s’en rend pas compte au jour le jour. Et puis un jour, on se retrouve dans une situation à risque, une soirée un peu arrosée par exemple, et l’on rechute. Surtout, surtout, ne jamais se presser.
Le choix du matériel
On a de moins en moins de matériel adapté aux débutants il va vraiment falloir faire quelque chose pour revenir à des choses qui permettent d’arrêter de fumer dans le confort. Un fumeur a besoin d’un tirage serré, pas d’un tirage aérien, il va s’étouffer avec un tirage aérien, et cela ne permet pas d’utiliser de fortes doses de nicotine.
Il faut des atomiseurs qui soient polyvalents ou qui soient destinés aux primo-accédants, avec un tirage relativement serré. Pour l’instant on n’a pas beaucoup de choix sur le marché.
Il y a des très beaux atomiseurs qui sortent, magnifiques, mais avec des résistances de 0,2 ohm ou 0,5 tout au mieux. Ce n’est pas du tout adapté aux débutants. N’oublions pas les débutants, il va falloir qu’on s’intéresse aux fumeurs et c’est avec des résistances élevées de l’ordre de 1,5 ohm et des liquides fortement dosés.
Le choix de l’e-liquide
Pour le liquide c’est pareil. Le fumeur a besoin d’être rassuré. Bien évidemment il va s’orienter quasi systématiquement sur un liquide “tabac” parce que le mot tabac rassure. Éventuellement sur de la menthe parce que la menthe est un anesthésique et qu’elle va faciliter l’inhalation.
Il faut savoir que dans tous les tabacs, dans toutes les cigarettes, il y a du menthol, même celles qui ne sont pas affichées comme telles. Même à très faibles doses c’est suffisant pour avoir un effet anesthésique, et c’est la raison pour laquelle un fumeur va tousser lorsqu’il va tester la vape. Il va falloir lui apprendre à vapoter, il va falloir lui montrer qu’une bouffée de vape c’est au minimum 3 secondes, et que plus la bouffée va être importante, moins il va tousser.
Le choix de la dose de nicotine
Je vous donne une indication, mais ce n’est qu’une indication, parce que l’on sait que de toute façon le nombre de cigarettes par jour est un très mauvais indice et ne veut rien dire.
Le nombre de cigarettes ne veut pas toujours dire quelque chose.
Vous pouvez avoir des “petits fumeurs” de 5 ou 6 cigarettes par jour mais qui peuvent être aussi des anciens fumeurs qui étaient à bien plus que ça avant, et puis qui ont réduit leur consommation. Mais vous pouvez avoir aussi quelqu’un qui est à 5 ou 6 cigarette par jour et qui va être aussi dépendant que quelqu’un qui fume un paquet par jour.
Peut-être qu’il va prendre 3 mg par cigarette, au lieu d’en prendre 1 mg. Le nombre de cigarettes ne veut pas toujours dire quelque chose. Il m’arrive en boutique de faire démarrer des petits fumeurs avec du 18 mg. Pourquoi ? Parce qu’un fumeur qui fume une cigarette, que ce soit un petit fumeur ou un gros fumeur, doit avoir la même sensation qu’avec une cigarette de tabac classique.
Ne pas limiter le dosage en nicotine chez ceux que l’on appelle à tort “les petits fumeurs”
Le fumeur peut contrôler sa consommation de nicotine. Il va par exemple tirer beaucoup plus sur sa cigarette s’il a besoin d’une forte dose, ou il va moins tirer cours de la journée. Il en aura peut-être moins besoin qu’un autre puisqu’a priori moins dépendant. En revanche quand il tirera sur son appareil, il aura une satisfaction, il aura un plaisir qui va lui permettre d’éliminer l’envie de fumer.
Mon conseil : ne pas limiter le dosage en nicotine chez ceux que l’on appelle à tort “les petits fumeurs”, qui auront besoin d’un fort dosage de nicotine au début.
Par Ghyslain ARMAND Vaping Post 31/08/2018
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