– Boycott du lancement et de la réunion d’experts : Imperial Tobacco seule avec son snus
Imperial Tobacco Canada (ITC) n’a pas réussi à entraîner la communauté de la santé dans la promotion de son snus, un produit sans fumée qui serait, s’il se compare au snus consommé en Suède, moins nocif pour la santé que la cigarette, d’après un rapport du Royal College of Physicians, en Grande-Bretagne. Le géant canadien du tabac tente de commercialiser son snus de marque du Maurier dans deux villes témoins, Edmonton et Ottawa. Un lancement a d’abord eu lieu en septembre 2007 dans la capitale albertaine. Puis, en janvier, la firme a récidivé à Ottawa tout en y conviant, en parallèle, quelques experts pour la conseiller sur la réduction des méfaits.
Lors des deux lancements, le cigarettier a reçu un accueil glacial des groupes spécialisés en tabagisme. À Edmonton, à l’occasion d’une conférence pancanadienne, plusieurs organismes avaient dénoncé le nouveau produit (voir Info-tabac no 71, pages 4 et 5), alors qu’à Ottawa, la réunion d’experts a été l’objet d’un boycott. Cette Table ronde sur la réduction des méfaits du tabac était présentée le 25 janvier par, et au Conference Board du Canada. Sur une cinquantaine d’invités, seulement huit se sont pointés, incluant trois cadres de ITC (notamment le président Benjamin Kemball lui-même).
Seuls deux spécialistes canadiens de la lutte antitabac étaient du nombre, soit David Sweanor, autrefois pilier de l’Association pour les droits des non-fumeurs (ADNF), et le signataire de cet article, comme reporter d’Info-tabac. Deux Américains étaient présents par conférence téléphonique : un professeur d’oncologie du Kentucky, Brad Rodu, et le directeur de Smokefree Pennsylvania, William Godshall. Ce dernier a rapporté être l’un des rares experts du contrôle du tabac en Amérique du Nord à soutenir la promotion du snus. Il est d’avis que ses collègues exagèrent la nocivité du tabac sans fumée.
David Sweanor
David Sweanor est aujourd’hui professeur auxiliaire à la Faculté de Droit de l’Université d’Ottawa. Il appuie la commercialisation de produits moins dommageables susceptibles de remplacer la cigarette, tels que le tabac à chiquer et le snus. Comme on le sait, la nocivité du tabac provient essentiellement de la fumée, et non pas de la nicotine elle-même. L’ancien dirigeant de l’ADNF compare le barrage érigé contre le snus au dénigrement des ceintures de sécurité dans les automobiles, il y a quelques décennies.
Avocat de formation, M. Sweanor considère que les fabricants de cigarettes ont non seulement le devoir légal de mettre en garde les fumeurs contre les graves dangers du tabagisme, mais ils sont aussi tenus d’améliorer leurs produits. Incidemment, il se demande si le lancement timide du snus n’est pas une tactique d’ITC pour éviter des poursuites futures, du fait qu’elle ne tenterait pas de corriger son produit nocif et défectueux (la cigarette).
David Sweanor est d’avis que le snus présente de 1 à 10 % des risques sanitaires de la cigarette. Un autre participant de la réunion, Carl Phillips, de l’Université de l’Alberta, estime cette proportion de 2 à 5 %. M. Phillips est si convaincu des vertus du tabac sans fumée qu’il a créé un organisme et un site Internet qui lui sont consacrés (www.tobaccoharmreduction.org).
Des communiqués
ITC aurait vendu quelque 14 000 emballages de snus du Maurier dans une sélection de 200 dépanneurs d’Edmonton. Les petits boîtiers métalliques sont conservés dans des réfrigérateurs de comptoir. C’est principalement par des communiqués de presse que la firme tente de populariser le snus, en souhaitant obtenir la collaboration des médias et des groupes de santé. De plus, Imperial « espère travailler de concert avec Santé Canada et d’autres intervenants du secteur du tabac afin d’établir un cadre réglementaire approprié à cette nouvelle catégorie de produits du tabac ».
Boycott de l’ADNF
Pionnière du contrôle du tabac au pays, l’Association pour les droits des non-fumeurs avait, quant à elle, recommandé un boycott de la rencontre d’experts. Dans une lettre ouverte adressée à la présidente du Conference Board du Canada, Anne Golden, son directeur exécutif Garfield Mahood mettait en doute la capacité de l’organisme hôte à animer une rencontre neutre et objective, puisque celle-ci était entièrement financée par Imperial Tobacco Canada. Le modérateur du forum, Paul Forgues, a d’ailleurs travaillé 16 ans pour le fabricant des cigarettes du Maurier et Player’s.
par Denis Côté -Tiré de Info-tabac no 73, 30/04/2008
http://www.info-tabac.ca/bull73/sommaire.htm