– L’artérite liée au tabac, première cause d’amputation (31/05/2016)
INTERVIEW - Les chirurgiens vasculaires veulent sensibiliser le public aux méfaits de cette maladie des artères des jambes qui a pour cause principale le tabagisme.
Fumer dégrade les artères, favorisant infarctus et AVC. Ce mécanisme est aussi à l’origine de l’artérite, une maladie des jambes pouvant conduire à l’amputation, alerte le Dr Jean Sabatier, secrétaire général de la Société française de chirurgie vasculaire et endovasculaire.
Le Figaro - Quels dommages sont imputables à l’artérite liée au tabagisme ?
Dr Jean SABATIER - On estime que la cigarette est la cause principale de l’artérite, une maladie vasculaire qui touche 800 000 personnes en France. Sur les 7 000 amputations réalisées chaque année, les artérites dues au tabac comptent pour plus de la moitié.
En quoi consiste l’artérite ?
C’est une maladie des artères des jambes. Des plaques d’athérome, composées essentiellement de lipides, se déposent dans les artères, rétrécissant peu à peu l’espace disponible pour la circulation sanguine. Il s’ensuit une moindre oxygénation des muscles alimentés par ces vaisseaux et l’apparition de lésions irréversibles sur la paroi artérielle.
On distingue quatre stades d’évolution de la maladie.
Au premier, le moins grave, le malade ne ressent rien, mais l’artérite peut déjà être dépistée par un médecin en mesurant la pression systolique : la pression artérielle dans la jambe ne doit pas mesurer moins de 90 % de celle du bras.
Le deuxième stade se manifeste par une claudication sur de petites distances, le mollet étant moins bien oxygéné.
Au stade suivant, le malade ressent des douleurs dans le pied au repos, particulièrement en position allongée.
Le dernier stade, le plus grave, est celui de la gangrène : les tissus sont nécrosés. Pour ces deux derniers stades, le risque d’amputation est très élevé.
Que faire pour éviter l’artérite ?
Le premier réflexe à avoir est d’arrêter définitivement de fumer. Cela est bénéfique pour tous les vaisseaux d’ailleurs, pas seulement ceux des jambes. Il faut aussi contrôler les autres facteurs de risques : hypertension, cholestérol, diabète. Et marcher. Si la maladie n’est pas encore très développée, ces mesures génèrent un réseau vasculaire collatéral qui compense les pertes liées à l’athérome. Quand cela ne suffit pas, le médecin peut prescrire un traitement (antiagrégant plaquettaire et parfois statines). Si aucun effet n’est visible dans les six mois, les options sont la pose de stents par voie endovasculaire (on introduit le stent à l’aide d’un cathéter glissé par une minuscule incision) pour maintenir l’artère ouverte, ou le pontage pour créer une sorte de dérivation du vaisseau endommagé.
Qui est concerné ?
Tout individu qui fume beaucoup, 20 paquets-année et plus, surtout s’il cumule d’autres facteurs de risques. Les hommes sont davantage touchés, mais l’on voit aujourd’hui des femmes jeunes, de moins de 40 ans, grosses fumeuses depuis quinze, vingt ans, se faire traiter pour des lésions artérielles sévères. Cela n’existait pas il y a vingt ans.
Le dépistage, qui peut être réalisé par un médecin vasculaire ou un généraliste, est essentiel, car on voit souvent les malades nous arriver à un stade très tardif, surtout dans les zones sous-médicalisées.
Pauline Fréour Le Figaro 31/05/2016