– Quatre marques de cigarettes et seize mentions spécifiques bientôt interdites (31/01/2017)
Une directive européenne concernant le tabac adoptée en 2014 fait de « tous les messages, symboles, marques, dénominations commerciales, signes figuratifs ou autres qui suggèrent qu’un produit du tabac donné est moins nocif que d’autres » des éléments pouvant être considérés comme contribuant « à la promotion » du tabac. Dès lors peuvent-ils être l’objet d’une interdiction dans le cadre de la restriction de la publicité visant les cigarettes.
Interprétation arbitraire
Souhaitant appliquer cette mesure, le gouvernement français avait pris un premier décret dans ce sens au cœur de l’été, qui avait fait couler beaucoup d’encre. Cependant, le texte entérinait le principe de l’interdiction de marques et autres mentions, mais ne ciblait encore aucun nom en particulier. Il faut dire que l’affaire est délicate : l’appréciation du caractère "tendancieux" d’une dénomination est en effet sujette à interprétations, qui peuvent conduire devant les tribunaux. Dès l’automne, la Seita avait ainsi remarqué que « Les critères énoncés par le législateur se réduisent à une interprétation subjective et arbitraire du caractère laudatif des noms de marques ». Aussi, sans attendre de savoir si ses produits seraient visés, Seita avait déposé un recours (non suspensif) devant le Conseil d’État.
Fumer ce n’est pas chic !
Avant que ne soit connue la réponse des magistrats, la réflexion du gouvernement sur les marques qui feront l’objet d’une interdiction a pris fin. Dans le cadre du pouvoir récent qui lui a été accordé d’apposer sa signature au texte validant l’homologation trimestrielle des prix des cigarettes, le ministère de la Santé n’a pas donné de feu vert concernant les prix de quatre marques, interdisant du même coup leur commercialisation. Il s’agit des cigarettes Vogue, Fine, Allure et Corset. Seules ont donc été retenues les marques visant principalement les publics féminins et suggérant l’idée d’une certaine élégance associée au fait de fumer ces cigarettes. Sont également concernées les marques de cigares et cigarillos Café crème, Paradiso et Punch. Les fabricants de cigarette ont cependant un an pour se conformer à ces nouvelles règles et ceux de cigares deux ans. Par ailleurs, seize mentions spécifiques devront être prohibées sur l’ensemble des paquets : il s’agit de dénominations suggérant l’existence d’un avantage minceur, économique ou écologique au fait de fumer (par exemple "slim"). Les mentions évocatrices d’un arôme (exemple : "menthol"), concernant la féminité, la virilité ou le mode de vie sont également concernées. Au micro de RTL, le ministre a précisé : « Il y a des marques qui ne seront plus autorisées, des marques qui sont attractives, qui donnent le sentiment que fumer des cigarettes c’est chic, ce qui n’est évidemment pas l’esprit du paquet neutre ». En dépit de cet argumentaire, le gouvernement doit se préparer à une bataille juridique avec certaines marques, en raison du caractère jugé trop subjectif de certaines interprétations.
Réduire le pouvoir de nuisance des industriels
Restreindre le plus possible tous les moyens de promotion des industriels du tabac est cependant une arme employée avec de plus en plus d’insistance en France et dans l’ensemble des pays occidentaux. L’existence d’exceptions concernant la santé publique en matière de droit des marques offre aux ministères de la Santé la possibilité de mettre leur programme en vigueur. Si l’évaluation de l’efficacité de ces mesures en termes de diminution du tabagisme est toujours difficile, la limitation de l’expression des industriels du tabac a nécessairement un impact sur leur pouvoir d’influence. Cependant, on peut observer en France que cette interdiction de certains noms de marque intervient après la mise en place des paquets neutres, ce qui réduit la portée symbolique de la mesure.
Prix du tabac : écran de fumée
Par ailleurs, on sait que les leviers les plus efficaces pour faire reculer la consommation du tabac sont économiques. Le gouvernement, cependant, n’a que très peu usé de cette arme au cours des cinq dernières années. Aujourd’hui encore, les prix des cigarettes ne devraient pas évoluer, les industriels ont pu répercuter les hausses qui avaient été votées, grâce à un mécanisme les y autorisant. Aussi, seuls les tarifs du tabac à rouler progresseront, « autour d’un euro cinquante » a indiqué le ministre. Marisol Touraine s’est cependant montrée déterminée à obtenir une véritable augmentation du prix des cigarettes. « Je ne lâcherai pas, car augmenter le prix du tabac, c’est important en termes de santé publique », a martelé Marisol Touraine à qui il ne reste que quelques mois pour que sa volonté, toujours reniée ces dernières années, soit enfin exaucée.
Jim 31/01/2017