– Les Français continuent de fumer plus que leurs voisins (26/09/2016)
Malgré la multiplication des mesures anti-tabac en France – dernière en date, la hausse du prix du tabac à rouler – un tiers des Français reste accro à la cigarette. C’est plus que chez nos voisins qui ont nettement diminué leur consommation ces dernières années.
Après l’introduction, en mai dernier, du paquet de cigarette neutre, la ministre de la santé Marisol Touraine vient d’annoncer pour janvier prochain une nouvelle mesure anti-tabac : la hausse de 15 % du prix du tabac à rouler. Un produit jusque-là moins cher que les cigarettes en paquet et qui, de ce fait, constitue la porte d’entrée du tabagisme pour un certain nombre de jeunes.
Depuis de nombreuses années, le gouvernement français a fait une priorité de la lutte contre le tabagisme qui serait responsable de plus de 70 000 décès annuels dans l’Hexagone. Ce combat a été engagé dans tous les pays de l’Union européenne, mais il l’a été avec une plus grande détermination dans les pays développés d’Europe occidentale.
Partout, la tendance est à l’augmentation des taxes sur les cigarettes tandis que l’interdiction du tabac dans les lieux publics et sur les lieux de travail s’est généralisée et que les campagnes de sensibilisation se multiplient. Résultat : la consommation de tabac a beaucoup diminué depuis trente ans mais de fortes disparités subsistent en Europe.
32 % de fumeurs en France…
Comparés à leurs voisins, les Français restent de gros fumeurs. Selon les données très complètes de l’eurobaromètre publié en mai 2015 et portant sur l’année 2014, la France se classe 4e sur les 28 pays de l’Union en terme de proportion de fumeurs dans la population.
Seulement devancés par les Grecs, les Bulgares et les Croates, 32 % des Français se déclarent fumeurs contre 29 % des Espagnols, 27 % des Allemands, 22 % des Britanniques et 21 % des Italiens. Le pays le plus vertueux d’Europe est de loin la Suède où ceux qui fument ne sont plus que 11 %.
En outre, l’évolution du tabagisme en France n’est guère encourageante puisque le pays compte 14 % de fumeurs de plus qu’en 2012 et seulement 4 % de moins qu’en 2006 alors qu’en moyenne, l’Europe a vu baisser de 18 % le nombre de ces fumeurs depuis dix ans.
… malgré un prix élevé du tabac
De piètres résultats qui n’ont rien à voir avec le prix du tabac dans l’Hexagone. Selon la Tobacco Manufacturer’s Association, seuls le Royaume-Uni et l’Irlande ont en 2016 un prix moyen du paquet plus élevé qu’en France (plus de 10 euros). À 7 € le paquet, la France se classe 3e sur 28 en termes de prix. Chez nos voisins immédiats, ce prix moyen oscille entre 5 et 6 € et il tombe même à 3/3,50 € à l’Est de l’Europe. Sans parler de la Bulgarie où le paquet de coûte que 2,60 € !
Le respect de l’interdiction
Les interdictions de fumer seraient-elles alors moins respectées dans l’Hexagone qu’ailleurs ? Nullement. Elles sont tout d’abord parmi les plus étendues en Europe et ont été mises en place, en ce qui concerne les cafés-restaurants, il y a huit ans. Et les interdictions sont bien respectées en France.
À cet égard, l’Eurobaromètre a interrogé les clients des restaurants de tous les pays de l’Union. Dans quelques pays, un grand nombre de clients indique avoir été exposé au tabac dans les restaurants, malgré l’interdiction de fumer. C’est par exemple le cas de 72 % des Grecs, de 59 % des Roumains et également de 44 % des Autrichiens, pays où les interdictions sont récentes, partielles et, de ce fait, assez mal respectées.
En revanche, seuls 9 % des clients de restaurant en France disent avoir été exposés. C’est à peine plus qu’en Italie (8 %) ou qu’en Allemagne (7 %). Comme on s’en doute, quasiment personne ne s’est dit exposé en Suède.
Les gros fumeurs sont légion en Autriche
Avec 13 cigarettes en moyenne par jour, les fumeurs français consomment un peu moins de tabac que la moyenne européenne (14,4 cigarettes). C’est également un peu moins que leurs voisins allemands, britanniques ou italiens. Et nettement moins que les Autrichiens qui fument leur paquet quotidien. Cela dit, ces chiffres élevés ne font que révéler une réalité commune à toute l’Europe : les gens qui continuent de fumer en 2016 sont de gros fumeurs. Les fumeurs occasionnels ont pratiquement disparus.
Quel est le rôle du « tabagisme alternatif » que propose la cigarette électronique ? Il est réduit car la « vapoteuse » reste d’un usage limité en Europe où 2 % de la population déclare l’utiliser. Mais la France est, avec le Royaume-Uni, le pays où son usage est le plus développé avec 4% d’utilisateurs dans la population.
En outre, la cigarette électronique est la solution choisie pour arrêter ou tenter d’arrêter de fumer par 18% des fumeurs ou ancien fumeurs français. Sur l’ensemble de l’Europe, cette proportion n’est que de 10%.
Plus de jeunes, plus de fumeurs
Il n’est donc pas évident de comprendre la raison pour laquelle les Français fument plus que leurs voisins. À défaut d’explication scientifiquement avérée, on peut néanmoins identifier une corrélation entre démographie et tabagisme dans la mesure où les populations jeunes ont tendance à fumer davantage que leurs ainés.
C’est manifeste en France où 40% des 16-25 ans sont fumeurs – ce qui est plus qu’ailleurs en Europe. Or cette tranche d’âge représente 12% de la population française contre 9,9% en Italie et 6,5% en Allemagne.
Par ailleurs, on sait que les jeunes consomment plus, pour des raisons de prix, les cigarettes à rouler. Alors que 29% des fumeurs européens ont recours – régulièrement ou occasionnellement – à ce tabac en vrac, les fumeurs français sont 44% à l’utiliser avec une forte prévalence des moins de 25 ans.
Dans ce contexte, on comprend mieux la décision de Marisol Touraine de taxer davantage le tabac à rouler : elle cible les jeunes fumeurs qui sont largement à l’origine des mauvais résultats français en terme de tabagisme.
Daniel Vigneron MyEurop Paris 26/09/2016