– Dernière clope, nouveau départ (10/06/2016)
Déménagement, nouveaux horaires, nouveaux camarades : l’entrée dans les études supérieures marque un changement d’habitudes. Le bon moment pour arrêter de fumer ?
En Belgique, le tabagisme a sensiblement reculé chez les 12-20 ans. Alors que, au sein de cette tranche d’âge, on comptait 21 % de fumeurs en 1998, ils ne sont plus que 13 % aujourd’hui (contre 27 % dans la population générale). Les raisons de ce recul sont diverses : augmentation du prix du paquet de cigarettes, interdiction de la vente de tabac aux moins de 16 ans, campagnes de prévention... Mais s’ils sont moins nombreux, les jeunes fumeurs ne sont pas moins accros ! « 81 % des jeunes fumeurs quotidiens reconnaissent les effets négatifs de leur consommation et manifestent l’envie d’arrêter de fumer », explique Dolorès Corso, psychologue-tabacologue au sein de l’asbl SEPT (Service d’Étude et de Prévention du Tabagisme). Mais de l’envie au sevrage, il y a un pas que beaucoup ne franchiront pas avant de nombreuses années. « Peu de fumeurs entreprennent une démarche d’arrêt avant le début de l’âge adulte, voire avant la trentaine. Et pourtant, l’envie d’arrêter est parfois déjà présente quelques mois après le début de la consommation », poursuit la tabacologue. Alors, comment s’engager vers le sevrage ?
Analyser sa consommation
Les torts imputables à la cigarette, tout le monde les connaît ! Plus éclairant est de se concentrer sur les bénéfices du tabac... car il y en a ! Sinon, pourquoi fumerait-on ? Pour certaines personnes, fumer permet de lutter contre le stress ou de gérer les émotions douloureuses. Pour d’autres, la cigarette est synonyme d’indépendance, de plaisir, de liberté. La cigarette peut aussi être associée à des moments de convivialité ou d’intimité avec certains proches. « Il faut pouvoir analyser le sens qu’on donne à sa consommation », explique Marika Simmons, psychologue et chargée de projet au FARES (Fonds des Affections Respiratoires).
Évaluer sa dépendance
Beaucoup de jeunes fumeurs sont persuadés qu’ils peuvent arrêter quand ils veulent. Pourtant, les études montrent que chez les 12-20 ans, 60 % des fumeurs ont déjà essayé d’arrêter... sans succès. Car le degré de dépendance n’est pas corrélé au nombre d’années de pratique tabagique. Il relève de facteurs individuels : certains fumeurs sont physiquement dépendants après seulement un an de tabagisme. « On ne se rend pas compte qu’on est dépendant jusqu’au jour où on essaye d’arrêter », rappelle Dolorès Corso.
Choisir le bon moment
« La cigarette est très liée aux habitudes. Quand on veut arrêter de fumer, il est bon de les modifier », poursuit la tabacologue. En ce sens, l’entrée dans les études supérieures ou dans le monde du travail peut être considérée comme l’occasion qui fait le larron. « C’est aussi un projet de vie. Quand on se dirige vers le monde adulte, la cigarette, qui symbolisait parfois ce passage, n’a plus le même rôle. » C’est le bon moment pour s’inventer de nouveaux rituels, sans cigarette. « La pression du groupe de pairs est un véritable obstacle, surtout chez les ados qui évoquent souvent la peur de perdre leurs copains. Il faut pouvoir analyser cette peur et la relativiser : je n’ai jamais rencontré de jeune ayant effectivement perdu des copains suite à un arrêt tabagique ! », insiste Dolorès Corso.
Trouver des alternatives
« Si je fume parce que je suis un grand stressé, il faut que je réfléchisse à ce que je pourrais faire d’autre pour gérer ce stress. Cette réflexion peut se mener tout en continuant à fumer. Elle permettra de se sentir plus fort quand on décidera d’arrêter », explique la tabacologue. Bien sûr, les alternatives seront différentes pour chacun : se mettre au sport, pratiquer une activité artistique, discuter avec les copains... « Quand on est fumeur, on a une seule porte devant soi. Je suis stressé : j’ouvre la porte tabac. Je suis triste : j’ouvre la porte tabac. Je suis seul : j’ouvre la porte tabac. Le champ de vision du fumeur est réduit. L’idée est d’apprendre à voir les autres portes. »
Se faire aider par un professionnel
Les études montrent que les arrêts tabagiques les plus durables sont ceux qui font l’objet d’un accompagnement professionnel. « On peut voir un tabacologue même sans avoir décidé d’arrêter, simplement pour réfléchir à sa consommation », précise Dolorès Corso. Aujourd’hui, les tabacologues et les CAF (Centres d’aide aux fumeurs) sont tous répertoriés et classés en fonction des régions et de leurs compétences spécifiques sur le site http://repertoire.fares.be. Par ailleurs, le numéro Tabacstop vous met gratuitement en contact avec un tabacologue : 0800 111 00 ou www.tabacstop.be
Se faire aider par les médicaments
Tout le monde n’aura pas besoin d’une aide médicamenteuse. Mais pour certains, elle sera la clef de la réussite. Certes, les notices mentionnent que les substituts nicotiniques ne peuvent pas être utilisés chez les moins de 18 ans. Néanmoins, dans les faits et à partir du moment où la dépendance nicotinique est avérée, les professionnels y ont parfois recours pour aider les adolescents à arrêter. « Beaucoup abandonnent à cause d’un mauvais dosage, qui soit est trop fort et rend malade, soit est trop faible et donc inefficace. Il faut donc que le suivi soit personnalisé, tout en gardant à l’esprit qu’il s’agit d’une médication temporaire. Il n’est pas question ici de remplacer un produit par un autre », précise Marika Simmons.
Ne pas se décourager en cas de rechutes
Les rechutes font souvent partie du processus d’arrêt. Pour Dolorès Corso, « ce n’est pas un échec en soi ». À chacun son rythme.
Julie Luong Le Soir (Belgique) 10/06/2016
http://www.lesoir.be/1231991/article/actualite/enseignement/2016-06-07/derniere-clope-nouveau-depart