– Nouveau visage de la mort subite du nourrisson (23/01/2006)
A la fin des années 80, dans les pays développés, la mort subite du nourrisson (MSN) était devenue la première cause de mortalité chez les enfants de moins de un an (hors période néonatale).
Cette place prédominante était due à la conjonction d’une baisse de la mortalité par d’autres causes depuis la fin de la seconde guerre mondiale et d’un accroissement considérable en valeur absolue de l’incidence des MSN. Ainsi en Grande Bretagne en 1987 la MSN frappait jusqu’à 35 nourrissons pour 10 000.
Cette véritable pandémie a été longue à identifier, compte tenu du caractère négatif de la définition de la MSN (décès brutal d’un enfant de moins de un an sans explications à l’autopsie) et donc des variations dans le taux de déclaration d’un pays à l’autre.
Les facteurs favorisant la MSN ont été encore plus long à mettre en évidence, tant et si bien qu’à la fin des années 70, de très nombreux pédiatres recommandaient encore de faire dormir les nourrissons sur le ventre (pour éviter notamment les régurgitations) et que ces « guidelines » répétées à l’envie ont très certainement contribué à l’accroissement considérable de l’incidence des MSN constaté au cours de cette décennie.
Depuis, de vastes études épidémiologiques ont démontré que le décubitus ventral était un facteur de risque majeur de MSN sans doute par un simple effet de suffocation comme l’avait déjà pressenti la publication d’une équipe new-yorkaise dans Pediatrics en 1944 (1).
D’autres facteurs favorisant la MSN ont été également mis en évidence comme notamment la prématurité, un petit poids de naissance, appartenir à une famille défavorisée, le fait de dormir dans le lit des parents, le tabagisme passif ou une température trop élevée dans la pièce où dort l’enfant.
A la suite de ces constations, des campagnes de prévention ont été mises en œuvre dans tous les pays développés, plus ou moins rapidement selon les états, et ont conduit à une baisse majeure de l’incidence des MSN.
Étude rétrospective sur 300 cas de MSN
Pour évaluer les conséquences épidémiologiques de ce type de campagne, une équipe de pédiatres de l’Avon a conduit une étude rétrospective sur les 300 cas de MSN survenus dans cette région de 800 à 900 000 habitants entre 1984 et 2003. Au cours de cette période, tous les parents d’un enfant victime d’une MSN ont eu un entretien avec les membres de l’équipe peu de temps après le décès de l’enfant et leur logement a été visité.
Ce travail confirme d’abord le succès considérable de la campagne « Back to Sleep » puisque l’incidence de la MSN a baissé de plus de 75 % dans l’Avon depuis le milieu des années 80. Mais il montre également que le visage de la MSN s’est totalement transformé, l’importance respective des différents facteurs de risque ayant été bouleversée par les campagnes de prévention axées essentiellement sur le coucher en décubitus dorsal.
Ainsi alors que 89 % des victimes de MSN en 1984-1988 avaient été couchées sur le ventre lors de leur dernier sommeil, ce facteur de risque n’est plus retrouvé que dans 24 % des cas en 1999-2003. A l’inverse, le rôle du sommeil dans le lit parental ou sur un canapé avec l’un des parents s’est considérablement accru en valeur relative puisque ce facteur favorisant qui ne concernait que 12 % des MSN au début de la période d’observation est retrouvé dans 50 % des cas aujourd’hui. Dans le même temps, le rôle relatif de mauvaises conditions socio-économiques, de la prématurité, d’un petit poids de naissance ou du fait d’être un premier enfant s’est nettement majoré (par exemple 34 % des MSN sont aujourd’hui des anciens prématurés contre 12 % seulement au début de l’étude).
Les campagnes de lutte contre la MSN ont donc été beaucoup plus efficaces sur la position à adopter pendant le sommeil que sur les autres facteurs de risque qui relèvent plus du comportement individuel des parents (tabagisme par exemple), de paramètres économiques ou de la santé de la mère (prématurité…), tous éléments évidemment moins sensibles aux politiques de prévention.
Continuer à faire baisser l’incidence de la MSN imposera donc des efforts sans doute supérieurs à ceux que nous avons accomplis depuis une quinzaine d’années.
1) Abramson H : « Accidental mechanical suffocation in infants. » Pediatrics 1944 ; 25 : 404-13.
2) Blair P et coll. : « Major epidemiological changes in sudden infant death syndrome : a 20-year population-based study in the UK. » Lancet 2006 ; publication avancée en ligne le 18 janvier 2006 (DOI : 10.1016/50140-6736(06)67969-5).
Dr Céline Dupin http://www.jim.fr 23/01/2006