– Peut-on arrêter la cigarette sans prendre du poids ? (19/10/2010)
La réponse du Professeur Ivan Berlin, président de la Société française de tabacologie, maître de conférences des universités, praticien hospitalier.
Malgré un mode de vie plus sédentaire, l’indice de masse corporel (IMC) des fumeurs, ajusté par âge et sexe, est inférieur à celui des non-fumeurs. En dépit d’un IMC plus faible, le rapport taille-hanche (RTH) ou le périmètre abdominal, indicateurs d’adiposité abdominale, facteurs de risque métaboliques et cardiovasculaires, sont plus élevés chez les fumeurs que chez les non-fumeurs et est corrélé avec le nombre de cigarettes fumées par jour. De plus, le tabagisme potentialise l’augmentation du RTH induite par l’âge. Chez les fumeurs, le RTH est plus lié au risque d’infarctus du myocarde que l’IMC.
On peut dire qu’actuellement, le meilleur moyen « pharmacologique » du contrôle du poids est le tabagisme. En fait, le poids est très sensible à la consommation de cigarettes : l’abstinence mène presque inévitablement à une prise de poids, la reprise des cigarettes fait baisser le poids. Une grande partie des femmes et une partie non négligeable d’hommes utilisent les cigarettes pour réguler leur poids. La peur de prendre du poids à l’arrêt du tabac est plus fréquente chez les femmes que chez les hommes et décline avec l’âge. Chez certains fumeurs, la peur de prendre du poids peut être un obstacle majeur à l’arrêt tabagique. Environ 50 % des fumeuses et 30 % des fumeurs qui rechutent évoquent la prise de poids comme cause de reprise des cigarettes.
L’arrêt total de la consommation des cigarettes va presque inévitablement de pair avec une prise de poids. Le risque de prise de poids est environ deux fois plus grand chez les femmes que chez les hommes pour chaque tranche de durée d’abstinence. La prise de poids après un sevrage tabagique est plus importante pendant la première année d’abstinence. Elle s’atténue après. La prise de poids moyenne est de 5 kg sur cinq ans. On estime qu’un tiers des fumeurs restant complètement abstinent pendant cinq ans peut prendre 10 kg. Sur dix ans d’abstinence tabagique complète, environ 10 % des hommes et 13 % des femmes prennent plus de 13 kg.
Plus on arrête de fumer jeune, plus on peut prendre du poids. La prise de poids est inversement associée au nombre de cigarettes fumées, au niveau socio-économique, à l’IMC au moment de l’arrêt, et, bien entendu, au niveau d’activité physique. Plus on commence à fumer jeune, plus le risque de prendre du poids est accru. La prise de poids est aussi plus grande chez ceux qui ne vivent pas en couple et après une ou des grossesses. Le périmètre abdominal peut augmenter après l’arrêt complet de la consommation. Il est donc fortement conseillé que le suivi des fumeurs devenus abstinents inclue le suivi régulier du poids, mais aussi du périmètre abdominal.
Des conseils simples pour réduire la prise de poids sont inefficaces. Ils peuvent même mettre en jeu le maintien de l’abstinence. Une explication possible est que la faim, un symptôme de sevrage tabagique, est souvent associée à une forte envie de fumer.
Un régime strict d’apport calorique faible peut réduire la prise de poids pendant le régime mais son effet à long terme est douteux. Comme avec tous les régimes pour réduire le poids, à l’arrêt du régime ou même à la réduction de la sévérité du régime, le poids peut rebondir.
L’acceptation
Les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) fortement individualisées ou visant l’acceptation d’une prise de poids semblent donner des résultats meilleurs à long terme, c’est-à-dire à douze mois.
Il n’y a pas de médicament spécifiquement efficace pour réduire la prise de poids suite à un arrêt tabagique.
Il en va de même de l’exercice physique pendant la période de quelque mois après l’arrêt. En revanche, si l’on arrive à incorporer dans son mode de vie un exercice physique régulier d’intensité même moyenne, la prise de poids à long terme peut être réduite. Une intervention structurée d’exercice pourrait donc amorcer un changement dans le mode de vie des fumeurs devenus abstinents.
Chaque fumeur devrait être préparé par des professionnels de santé à un arrêt tabagique. La prise en charge d’un fumeur nécessite un suivi régulier avant l’arrêt et après l’arrêt des cigarettes : suivi de la consommation tabagique et alimentaire, du poids, du périmètre abdominal et certains paramètres biologiques. L’accompagnement des fumeurs avant et après l’arrêt nécessite beaucoup de temps, de patience et d’empathie.
Le Figaro Santé entretien avec le Professeur Ivan Berlin 19/10/2010
http://www.lefigaro.fr/sante/2010/10/17/01004-20101017ARTFIG00261-peut-on-arreter-la-cigarette-sans-prendre-du-poids.php
C’est le même, Président de la Société française de tabacologie, qui a passé un accord avec Pfeizer pour laisser apparaître le logo de cette association dans la campagne publicitaire de ce labo. Que doit-on en penser ? (Ndlr).