– Un nouveaux coupe-faim : la nicotine (!) (10/06/2011)
Les chercheurs viennent de comprendre pourquoi la nicotine a un effet anorexigène.
C’est en se fixant à des récepteurs particuliers (baptisés α3β4) situés à la surface de certains neurones de l’hypothalamus, (dits POMC), que la nicotine agit sur l’appétit. « L’activation de ces neurones va freiner la prise alimentaire », explique Sylvie Granon, neurobiologiste au Centre de neurosciences Paris-sud. Pour appuyer leur démonstration, les neuroscientifiques ont empêché ces neurones particuliers, sur des souris génétiquement manipulées, de synthétiser ces récepteurs α3β4. La nicotine (comme la cytisine, un analogue structurel), n’a alors plus aucune influence sur la prise de poids des souris (contrairement aux rongeurs témoins).
Les effets secondaires restent à étudier
La description fine de cette voie métabolique méconnue est « une information importante pour la recherche sur l’obésité et les effets du tabac sur la prise alimentaire », souligne le Pr Arnaud Basdevant, chef du service de médecine et nutrition à l’Hôtel-Dieu à Paris. Ces travaux ouvrent des pistes pour la recherche de molécules coupe-faim d’un nouveau genre. Un analogue à la nicotine ne visant que les récepteurs α3β4 pourrait diminuer la sensation de faim sans activer les neurones qui provoquent la dépendance.
En pratique, les choses ne sont pas si simples. « Il faudra toutefois trouver une manière de déposer cette substance uniquement dans l’hypothalamus pour ne pas activer les récepteurs périphériques. Ces derniers sont très nombreux et peuvent entraîner nausées et vomissements chez l’homme », explique l’auteur principal de l‘étude, Yann Mineur. D’autre part, les neurones POMC jouent un rôle dans le comportement sexuel et la dépense énergétique. « Les modifications pharmacologiques de ce système peuvent avoir des effets secondaires qui doivent être étudiés en détail avant d’envisager un transfert des données de la recherche animale à l’application clinique », avertit d’ailleurs Arnaud Basdevant.
Le président de la Société française de tabacologie, Ivan Berlin, exprime lui aussi quelques doutes. « C’est un résultat très intéressant, mais il n’est pas prouvé que la nicotine seule ait le même effet anorexigène chez l’homme. S’il existe, je pense qu’il est relativement faible », juge-t-il.
Les enjeux considérables de santé publique que sont l’obésité et l’addiction au tabac devraient toutefois pousser les chercheurs à poursuivre leurs investigations. La découverte d’un substitut nicotinique permettant de limiter la prise de poids des fumeurs au moment du sevrage ou d’un coupe-faim efficace serait une avancée considérable.
D’ores et déjà certaines firmes pharmaceutiques se montrent très intéressées par cette découverte.
D’après Tristan Vey Le Figaro 10/06/2011
http://www.lefigaro.fr/sciences/2011/06/09/01008-20110609ARTFIG00676-la-piste-de-la-nicotine-pour-de-nouveaux-coupe-faim.php