– Mais à quoi sert le développement personnel ? (21/11/2014)
La quête de croissance intérieure repose avant tout sur un fort besoin d’autonomie.
« Si j’avais pu apprendre tout cela dès l’âge de 20 ans, quel gain de temps cela aurait été ! », affirme Anouk Cezilly, coach en développement personnel, qui enseigne dans des écoles d’ingénieurs. À ces bac + 2 ou + 4 qui, dit-elle, l’« écoutent les yeux grands ouverts », elle parle « croyances limitantes », « valeurs », « sens de la vie »… Toutes notions dont l’école ou l’université se sont peu préoccupées et qui, selon elle, « aideront ces jeunes adultes à se donner un peu plus de confort dans leur vie et leurs relations, notamment en s’autorisant à être pleinement eux-mêmes ».
Ce projet d’authenticité, de réalisation de soi, c’est le mouvement du développement personnel (le « DP », appelé self help aux États-Unis) qui le promet depuis plus de trente ans. À travers livres à grand succès, articles de presse magazine et ateliers en diverses techniques, il ne cesse de se faire entendre, au point d’avoir même entraîné la traditionnelle psychologie à bouger.
Un tel succès mérite qu’on s’y arrête. À la question « pourquoi ? », on peut se contenter d’une réponse à un premier niveau. Le DP, ça marche parce que, effectivement, de plus en plus de contemporains « cherchent la sérénité », veulent « reconnecter leur enfant intérieur » ou « libérer leur potentiel ». Cela, c’est la promesse initiale. Mais à un niveau plus profond, le DP permet d’assouvir d’autres besoins, certainement plus existentiels.
Deviens ce que tu es
C’est ce que met en lumière la thèse du sociologue Nicolas Marquis (Du bien-être au marché du malaise, publié aux PUF). Soixante entretiens, 297 lettres de lecteurs analysées, près de cent livres lus… Le chercheur immergé dans la planète DP constate en premier lieu que l’intérêt pour cette démarche naît d’une « brèche dans la vie des personnes ». « Il y a presque toujours un “avant” et un “après” chez celui qui se passionne pour le DP, observe-t-il. Une maladie grave, une rupture, et c’est alors le tissu de la vie quotidienne qui se déchire ».
Ne trouvant pas les ressources philosophiques ou spirituelles dans son environnement, la personne s’interroge alors : « comment faire pour m’en sortir ? », et décide de « travailler sur elle-même ». « En ce sens, le développement personnel aide les individus à repousser les frontières de l’inné pour étendre le territoire de ce qui peut s’acquérir », analyse Nicolas Marquis. Une attitude qui fait dire à Anouk Cezilly : « grâce au DP, tout peut toujours commencer ! Nos carcans éducatifs, familiaux, culturels dissous, nous pouvons alors accomplir ce que recommandait Nietzsche : “deviens ce que tu es” ».
C’est alors l’heure de devenir auto-entrepreneur de soi. La soif d’autonomie et de responsabilisation des personnes s’en trouve assouvie. « Nous sommes à l’ère de la prise en charge de soi, commente Nicolas Marquis. Et cette lame de fond s’observe dans tous les domaines : la santé, l’emploi, la communication… Désormais, tout est perçu comme améliorable, y compris l’humain ! ».
Lutter contre la dispersion
Certains voient dans cette « extension du mode d’agir de l’entreprise à l’individu » un motif de s’inquiéter. Mais c’est oublier une autre dimension du DP : il permet à ceux qui s’y adonnent de se reconnaître dans une communauté. Au bout de l’individualisme, c’est elle qui se profile et motive la plupart des chercheurs de sens. Tout en étant laïque, le DP permet aussi de répondre à une soif spirituelle : se sentir appartenir, être relié.
Attention cependant à ne pas considérer les « autres » - ceux qui ne s’intéressent ni au « travail sur soi », ni à « la conscience de vivre » - comme des incapables en termes de « qualité de vie ».
Dans le DP comme dans toute chose humaine, la violence de juger et de rejeter est toujours latente.
D’après Pascale Senk lefigaro.fr 21/11/2014
http://sante.lefigaro.fr/actualite/2014/11/21/23078-quoi-sert-vraiment-developpement-personnel?a1=DOL-1506119&a3=77-4120890&a4=DOL-1506119-77-4120890