– DSM-V : au fou ! (01/09/2010)
Une analyse des documents internes de l’Association américaine de psychiatrie a montré à quel point les différentes versions de son DSM (diagnostic and statistical manual) ont été rédigées avec un manque de rigueur et un arbitraire confondants, alors qu’il s’agit de son manuel de « référence » pour le diagnostic et la recherche en psychiatrie [1].
Le DSM-V, prévu pour 2012, semble malheureusement sur la même voie.
Le chef de projet de l’élaboration du DSM-IV, version publiée en 1994, tire la sonnette d’alarme au sujet des travaux préparatoires au DSM-V [2].
De nouveaux diagnostics inutiles et dangereux
Le projet comporte de nouvelles « pathologies » qui seront banalisées « particulièrement après le marketing des firmes pharmaceutiques toujours très actives » [2]. Ce qui risque fort de mettre inutilement des personnes sous des traitements peu efficaces, chers, et surtout aux effets indésirables importants (notamment les neuroleptiques dits atypiques) au motif de : « risque de syndrome psychotique », « trouble mixte anxiodépressif », « troubles neurocognitifs mineurs », « troubles alimentaires compulsifs », ou encore « troubles de l’humeur et du comportement avec dysphorie » [2].
Des seuils de diagnostic très abaissés
Le projet comporte aussi l’abaissement du nombre de critères conduisant à diagnostiquer certains troubles déjà présents dans le DSM-IV. C’est le cas par exemple du syndrome d’hyperactivité avec déficit de l’attention, en divisant par deux le nombre de symptômes nécessaires à son diagnostic chez l’adulte ; de l’addiction, qui confondrait l’abus d’une substance et la dépendance à une substance ; de la dépression majeure, étendue aux deuils, etc. [2].
Vision étriquée de spécialistes
Pour l’auteur, la raison fondamentale de telles dérives est que la classification des troubles psychiques est dévolue à des groupes de travail spécialisés qui cherchent à réduire le nombre de personnes non diagnostiquées bien que réellement malades, sans prendre en compte le risque d’augmenter considérablement le nombre de personnes diagnostiquées à tort. Et soumises à « des praticiens pressés, dans un environnement lourdement influencé par les firmes pharmaceutiques » [2].
Au total, le DSM-V en gestation semble une « combinaison dangereuse de diagnostics non spécifiques et imprécis, conduisant à des traitements d’efficacité non prouvée et potentiellement dangereux » [2].
En pratique, les praticiens ont intérêt à garder leurs distances avec le DSM, le marketing des firmes, l’invention de nouvelles maladies, et la médicamentation de l’existence.
[1]- Prescrire Rédaction « Comment la psychiatrie et l’industrie pharmaceutique ont médicalisé nos émotions » Revue Prescrire 2010 ; 30 (317) : 230.
[2]- Frances A Opening Pandora’s box : the 19 worst suggestions for DSM5. Site : www.psychiatrictimes.com consulté le 19/05/2010. 10 pages.
©Prescrire n° 323 01/09/2010