– Intérêt du repérage des comorbidités psychiatriques dans une consultation de tabacologie (26/06/2008)
A. Rappel de quelques notions
On sait que la fréquence du tabagisme est très élevée dans les consultations de psychiatrie :
– schizophrénie : 82 %
– troubles bipolaires 1 et 2 : 56 %
– état dépressif caractérisé : 27 %
– troubles de l’anxiété : 23 %
Réciproquement, on sait que dans les consultations de tabacologie la prévalence des troubles psychiatriques est élevée :
– antécédent d’état dépressif majeur : 73 %
– état dépressif actuel : 23 %
– dysthymie : 9 %
– BP 1 et 2 : 8,7 %
– phobie sociale : 26 %
– agoraphobie : 18 %
– stress post traumatique : 12,8 %
– troubles dépressifs isolés : 13 %
– troubles anxieux isolés : 17 %
Chez 45 % des ED on retrouve les traits d’une bipolarité, parfois sous la forme d’un simple état hypomaniaque.
Selon les critères du DSM IV, dans les EDM, on trouve 50 % de BP de type 4 pouvant évoluer vers une BP de type 3, avec un risque suicidaire élevé.
Chez les sujets à forte vulnérabilité psychopathologique l’arrêt du tabac, même sous substitut nicotinique, constitue une épreuve importante au même titre que tout événement pénible de la vie.
On retiendra surtout :
– la référence est le DSM IV, les critères de BP peuvent être flous ;
– la fréquence élevée des EDM et BP dans nos consultations de tabacologie ;
– les risques de virage maniaque ;
– les buts à atteindre : repérer les troubles, ne pas déstabiliser des troubles existants, traiter les troubles repérés, renforcer l’efficacité du sevrage et les succès de l’abstinence à long terme.
B. Le repérage clinique des troubles bipolaires (BP)
La classification n’est pas simple mais on peut retenir :
– Type 1 : état maniaco-dépressif
– Type 2 : état hypomaniaque
– Type 3 : virage maniaque sous traitement antidépresseur
– Type 4 : BP atténuée
Pendant la consultation rechercher les antécédents personnels, familiaux, les hospitalisations, les traitements anciens ou en cours.
Il faut poser des questions :
« Depuis deux semaines avez-vous eu le sentiment d’être triste ? Cafardeux ? Déprimé ? Plus de goût à rien ? Avez-vous perdu de l’intérêt aux choses ou aux autres »
Les signes d’orientation :
L’hyperémotivité, l’impulsivité, les épisodes hypomaniaques, la cyclothymie, l’instabilité affective, la biographie orageuse, l’humeur triste, la perte d’espoir, l’hyperactivité, le manque de sommeil, les idées délirantes,
Les signes faisant penser à un BP quand il y a un EDM :
– les débuts précoces ;
– le nombre élevé d’épisodes ;
– la longue durée des épisodes ;
– l’amélioration des troubles affectifs ;
– les ED du post-partum ;
– les antécédents familiaux ;
– l’humeur instable ;
– le ralentissement ;
- l’hypersomnie.
C. Les auto-questionnaires et les EVA pour le moral et l’anxiété
– MDQ : mood disorder questionnaire ;
– HAD : hospital anxiety and depression ;
– BECK sous la forme abrégée : le BDI ;
– ADRS (Adolescent Depression Rating Scale) pour les ados.
– EVA : Score de 1 à 10.
D. Stratégie pour nos consultations de tabacologie
1. Rechercher les EDM et les BP :
Savoir adapter et modifier notre dossier de consultation, avec pour conséquence l’impossibilité de faire des études statistiques entre différents lieux de consultation.
Si aucun élément n’attire notre attention, si les tests HAD et BDI sont normaux, aucun ED n’est évoqué, la consultation de sevrage peut se poursuivre
Si un ED est évoqué il faut rechercher une BP à l’aide des tests suivants :
– ANGST : recherche de l’hypomanie
– AKISKAL et HANTOUCHE : cyclothymie
– MDQ : troubles bipolaires
Si ces tests sont négatifs il s’agit d’un ED unipolaire
Si ces tests sont positifs il s’agit d’un ED bipolaire
2. On peut en faire encore plus !
La consultation devient vite alors une consultation de psychiatrie, mais c’est aussi la réalité du terrain.
On peut rechercher une forme adulte du THADA (trouble de l’hyperactivité avec déficit de l’attention) il existe pour cela un test THADA, si le score est > 3 il est positif.
Cette recherche est utile car il y a un risque suicidaire élevé chez ces patients, ainsi que des comorbidités associées (BP) et des abus de substances psycho actives.
On peut rechercher aussi une impulsivité, trait commun à de nombreux troubles. Il existe pour ce faire l’échelle de BARRAT.
E. Mes conclusions
La recherche des EDM et BP est indispensable !
Attention aux risques suicidaires sous traitement antidépresseur introduit sans précautions.
F. Score des tests
1. EVA (échelle visuelle analogique) classiquement de 1 à 10
Peut servir à mesurer un peu tout : moral, motivation, anxiété, ...
2. Test HAD (hospital anxiety and depression)
7 items cotés de 0 à 3
Score :
– de 0 à 7 : normal
– de 8 à 10 : modéré
– de 11 à 14 : moyen
– de 15 à 21 : sévère
3. Test de Beck BDI
– de 0 à 4 : test normal ;
– de 5 à 7 : ED léger ;
– de 8 à 15 : ED avéré ;
– plus de 15 : EDM.
Rappel sur la bipolarité (BP)
- Type 1 : état maniaco-dépressif ;
- Type 2 : état hypomaniaque ;
- Type 3 : virage maniaque sous traitement antidépresseur ;
- Type 4 : BP atténuée.
4. Test MDQ :
Une note >7 est en faveur d’un épisode maniaque pendant la période considérée.
5. Test de ANGST :
Une note >10 est en faveur d’un épisode hypomaniaque pendant la période considérée.
Demander ce que cela a provoqué : de rien à ……un état maniaque.
6. Test d’AKISKAL et HANTOUCHE :
Explore la cyclothymie : une note >10 est en faveur du trouble.
7. Test [ADRS] (test ED des ados)
– > 4 : risque de dépression ;
– de 4 à 7 : risque modéré ;
– > 8 : risque élevé.
G. Traitement de la bipolarité
1. Réguler la thymie : DIVALPROATE 250 mg 1 à 2 comprimés par jour.
Surveillance sanguine : numération, plaquettes, gamma GT, ALAT, ASAT.
2. Si ED associé on ajoute un IRS à petite dose : 5 à 10 mg de Fluoxétine.
Toutes les informations qui ont permis la rédaction de cette fiche ont été relevées au forum Pfizer dans l’atelier animé par G. Lagrue et J. Bouchez ; qu’ils en soient remerciés !
Dr Dominique Walter, tabacologue, Lille (F-59) 26/06/2008