Chine - La vérité sur le tabagisme passif ? (17/07/2006)


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 La vérité sur le tabagisme passif ? (17/07/2006)

Les dangers du tabagisme passif sont pour certains (les plus nombreux) devenus un véritable dogme, justifiant toutes les mesures d’interdiction du tabac dans les lieux publics, pour d’autres (plus isolés) les méfaits du tabagisme passif tels qu’ils ressortent de plusieurs méta-analyses relèveraient en fait essentiellement de biais méthodologiques et de facteurs de confusion mal pris en compte. Le débat est loin d’être serein puisque la publication en 2003 d’une étude épidémiologique californienne incluant plus de 118 000 adultes suivis pendant 39 ans ne retrouvant aucune corrélation entre tabagisme passif et mortalité coronarienne ou par cancer du poumon avait valu à ses auteurs une volée de bois vert (1). Il est vrai que ceux-ci étaient subventionnés par l’industrie du tabac !
Même si cette proximité financière jetait quelque suspicion sur leur conclusion, deux arguments d’Enstrom et coll. étaient particulièrement à prendre en compte. D’une part le fait que la preuve d’une nocivité significative du tabagisme passif repose essentiellement sur des méta-analyses et non sur les résultats d’études épidémiologiques individuelles. D’autre part (et surtout) la difficulté à expliquer de façon rationnelle une surmortalité évaluée à 30 % par certaines sociétés savantes chez les fumeurs passifs alors que selon des estimations généralement admises vivre avec un fumeur équivaut en moyenne à la consommation directe d’une cigarette par jour, quantité de tabac qui directement ne peut entraîner une telle surmortalité.
Pour éclairer le débat une nouvelle étude épidémiologique bien conduite était donc la bienvenue. Une équipe chinoise a donc remis le sujet sur le métier en surveillant de façon prospective 72 829 femmes de plus de 40 ans (se déclarant non fumeuses) habitant à Shanghai durant 5,7 ans en moyenne. Ces femmes ont été répartis en plusieurs groupes selon qu’elles étaient exposées ou non à domicile au tabagisme de leur mari, qu’elles étaient soumises à la fumée de tabac au travail ou épargnées, ou qu’elles avaient été élevées dans un environnement tabagique ou non. Le tabagisme passif féminin semble spécialement élevé en chine puisque 83,1 % de ces femmes se déclaraient exposées.
Les résultats mettent en évidence une relation significative entre tabagisme conjugal et mortalité globale (9,1 % de décès à 70 ans parmi les femmes exposées contre 7,8 % chez les femmes non exposées ; p=0,009 avec un risque relatif accru de 15 % [intervalle de confiance à 95 % entre + 1 et + 31 %]). Dans le détail, la mortalité à 70 ans par maladie cardiovasculaire est apparue accrue de 37 % (IC 95 entre 6 et 78 %) chez les épouses de fumeurs. Enfin une surmortalité par cancer du poumon (mais non par cancer en général) a été constatée chez les femmes exposées à la fumée de tabac au travail (+ 79 % avec un intervalle de confiance très large entre + 9 et 193 %). De plus, une relation dose-effet a pu être mise en évidence entre niveau de consommation conjugale et surmortalité par accidents vasculaires cérébraux et cancer du poumon chez les femmes de fumeurs.
Cependant il faut aussi signaler que plusieurs associations entre surmortalité et exposition au tabagisme passif se sont révélées non significatives dans ce travail : exposition au travail (en dehors du cancer du poumon) et exposition lors des premières années de la vie pour toutes les causes étudiées considérées globalement ou séparément. La cause est-elle entendue comme le pensent les auteurs et le tabagisme conjugal est-il assurément une cause directe de surmortalité de 15 % ?
En fait comme toujours dans ce domaine de multiples biais et facteurs de confusion restent possibles. Sans revenir sur le fait qu’être le conjoint d’un fumeur expose à un veuvage précoce, ce qui est en soi une cause de surmortalité d’après de nombreuses études, ou sur l’association possible entre habitudes alimentaires familiales délétères et tabagisme marital, on ne peut s’empêcher d’évoquer une sous-déclaration du tabagisme actif chez ces femmes chinoises d’âge mur. En effet lors du recrutement de cette cohorte, les auteurs n’ont éliminé de l’étude que 2 113 femmes (2,8 %) qui avaient affirmé avoir fumé à un moment quelconque de leur vie. Ce taux très faible de fumeuses déclarées comparé à celui de 83,1 % chez leurs maris est-il le reflet de la réalité ou celui d’une réticence culturelle à avouer son tabagisme ?
Quoi qu’il en soit, si le politiquement correct ne doit pas faire oublier le scientifiquement correct, la lutte contre la consommation de tabac est une priorité de santé publique qui ne peut avoir que des conséquences positives, même si elles sont difficiles à évaluer, en terme de complications liées au tabagisme passif.

1) Enstrom J et coll. : “Environmental tobacco smoke and tobacco related mortality in a prospective study of Californians, 1960-98.” Br Med J 2003 ; 326 : 1057-61.
2) Wen Wanqing et coll. : “Environmental tobacco smoke and mortality in Chinese women who have never smoked : prospective cohort study.” Br Med J 2006, publication avancée en ligne le 12 juillet 2006 (doi:10.1136/bmj.38834.522894.2F).

Dr Céline Dupin http://www.jim.fr 17/07/2006


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