– Coup de tabac sur le marché du sevrage (17/09/2009)
2009 ne semble pas être un très bon cru pour le marché du sevrage tabagique. Les ventes de médicaments d’aide à l’arrêt, entre janvier et juillet 2009, sont en recul de 30 % par rapport à la même période de 2008, selon les derniers chiffres publiés par l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT). Une tendance qui s’explique par l’évolution du profil des fumeurs, et qui offre un beau défi aux pharmaciens.
Comprimés, patchs, gommes… Le fumeur souhaitant éteindre sa cigarette a l’embarras du choix pour changer de vie. Encore faut-il une véritable volonté. Qui semble bien faire défaut si l’on en juge par l’évolution actuelle du marché de l’aide au sevrage.
Les patchs ? Ils sont en perte de vitesse de – 40 % par rapport à l’an dernier. La vente des formes orales, avec 417 127 boîtes vendues, est en léger recul de 13 %. Concernant les traitements plus récents, le Zyban perd 19 %, mais c’est pour le Champix que le coup est le plus dur : avec 150 324 boîtes vendues entre janvier et juillet 2009, le médicament de Pfizer est en chute de près de 44 %. Quelque 760 000 patients ont été traités par Champix depuis sa mise à disposition en France en février 2007.
Les laboratoires ne baissent pas pour autant les bras et mettent des outils à disposition des pharmaciens et des patients. « Pour aider le pharmacien dans son rôle de suivi, Pfizer a développé une brochure destinée à être remise aux patients : Le sevrage tabagique en questions », indique le Dr Yasmine Jeanpetit, responsable médical chez Pfizer.
Novartis va plus loin et investit dans la formation : en cette rentrée 2009, Nicotinell propose une grande opération, « mon coach antitabac », comprenant un e-learning interactif afin de renforcer l’expertise du pharmacien et de son équipe. « Un espace conseil dédié aidera les patients à réussir l’arrêt du tabac, grâce à un programme d’accompagnement personnalisé sur DVD », pointe Hélène Hermet, chef de produits Nicotinell et Zyma chez Novartis.
Un défi pour l’officine
Encore faut-il que les consommateurs souhaitent écraser leur mégot. Jean-Marc Leder, pharmacien dans le XXe arrondissement, qui a animé de nombreuses conférences sur l’arrêt du tabac, note qu’un seuil incompressible existe, en deçà duquel il s’avère compliqué de descendre : « Environ 20 % des fumeurs forment un noyau dur irréductible ; il sera difficile de les motiver pour qu’ils arrêtent ». Si les actions concertées coordonnant les campagnes contre le tabac et l’interdiction de fumer dans les lieux publics ont eu un impact bénéfique en poussant certains à s’arrêter, d’autres se sont accommodé des restrictions. D’ailleurs, pour Jean-Marc Leder, même délivré de son addiction, le patient reste toujours un ancien fumeur : « C’est comme une cicatrice. En cas de rechute, nous pouvons le rassurer en expliquant que le chemin parcouru est un acquis. Nous abordons systématiquement le statut tabagique du patient : l’arrêt du tabac est toujours possible. À nous de détecter dans notre clientèle le type de fumeur chez lequel nous pouvons amener une prise de conscience et une motivation au sevrage ». Le pharmacien a un réel défi à relever. Plutôt que de faire une délivrance passive, il s’agit d’effectuer un acte de prévention actif. Il ne faut pas vendre un prix mais un service lié au médicament.
Permettre un arrêt en douceur
Chez GSK SGP, après un déclin prononcé, du patch notamment, les ventes semblent reprendre un bel essor. « Sur les trois derniers mois, les ventes de l’ensemble des substituts nicotiniques, dont NiQuitin, ont augmenté de 4 %, explique Anne Mallet, chef de marque NiQuitin. Les comprimés affichent une croissance de + 9 %, et un cumul de + 7 % par rapport à l’an dernier, une augmentation accélérée grâce aux ventes de NiquitinMinis. » Le marché se stabilise donc par rapport à 2008.
Aujourd’hui, il est soutenu par la croissance des formes orales. En effet, les formes orales - les comprimés spécialement - qui permettent un arrêt du tabac progressif et en douceur, séduisent de plus en plus les fumeurs. Ainsi, en novembre 2008, GSK SGP avait misé sur NiquitinMinis, un petit comprimé à dissolution rapide, facile d’absorption, sans le goût râpeux de la nicotine, et dont les arômes de menthe fraîche ont su évoluer de manière agréable. En plus des deux sites Internet lancés, GSK a misé sur le programme d’aide à l’arrêt NiQuitin transition qui rencontre aussi un beau succès. Certains fumeurs apprécient cet accompagnement. Les rencontres No Tabac incitent également les fumeurs à arrêter en leur permettant de rencontrer des tabacologues grâce au speed dating, ces rendez-vous flash qui amorcent un échange.
Innovation
De plus, NiQuitin est la première marque à recevoir de l’AFSSAPS (rectificatif de l’AMM du 20 août 2009) l’indication de l’arrêt progressif pour l’ensemble de sa gamme patchs. Pendant les deux premières semaines de traitement, et sous avis médical, les consommateurs peuvent continuer à fumer sous patch, afin de les aider à réduire leur consommation de cigarettes avant la date d’arrêt complet du tabac. « En février 2009, NiquitinMinis a atteint 10 % en valeur de parts de marché. Du jamais vu en pharmacie ! ». GSK SGP poursuit donc l’édition de brochures destinées aux pharmaciens afin de présenter ses produits de sevrage, et y ajoute des conseils nutritionnels, des informations sur les bénéfices du sport et de la remise en forme… Bref, toutes les astuces pour accompagner le patient dans ce cap difficile.
En revanche, Zyban, qui ne représente que 1,4 % du marché, semble poursuivre son déclin. « Le fumeur se nourrit de nouveaux espoirs pour rompre avec la cigarette, rappelle Anne Mallet. Il faut intégrer l’innovation dans la pratique quotidienne. »
Hard-core smokers
Outre cet aspect, il faut aussi compter avec l’évolution des consommateurs. Pour le Dr Peiffer, pneumologue et tabacologue au CHR de Metz, le profil des fumeurs vus en consultation de tabacologie à l’hôpital a beaucoup changé en dix ans : « Avant, les fumeurs qui souhaitaient s’arrêter prenaient des substituts nicotiniques et ils stoppaient assez facilement le tabac. Aujourd’hui, je vois en consultation des patients hyperdépendants qui ont d’importantes difficultés pour arrêter la cigarette ». Ces patients fument souvent 30 à 40 cigarettes par jour. Ils optent parfois pour le tabac à rouler, moins cher et plus riche en nicotine, et il n’est pas rare qu’ils se réveillent la nuit pour fumer quelques cigarettes supplémentaires. Dans le jargon, on les appelle les hard-core smokers, un noyau dur de fumeurs irréductibles. « Dès lors, pour le sevrage, le travail du tabacologue est double : au départ, il se concentre sur la motivation à l’arrêt et sur l’évaluation du profil de dépendance physique et psychologique du fumeur, analyse le Dr Peiffer. Puis il propose un traitement pharmacologique, le plus souvent un patch assorti d’une forme orale, pour gérer les envies de fumer. Le Champix ou le Zyban sont les autres aides possibles recommandées par les conférences de consensus. » Sur le marché, Nicotinell s’adapte à ce nouveau mode de consommation oral avec le lancement, en septembre, d’une boîte de gommes à mâcher maxi-format (204 gommes). « Un format économique qui répond aux attentes des consommateurs et permet d’améliorer l’observance du traitement, rappelle Hélène Hermet, chez Novartis. Ce lancement sera soutenu par une campagne de publicité télévisée ».
Construire un projet de santé
Pour autant, c’est bien le patch qui souffre le plus sur le marché du sevrage tabagique. Malgré la baisse enregistrée chez Pierre Fabre (- 16 %), le groupe reste leader avec 50 % des parts de marché pour Nicopatch 24 heures (7, 14, 21 mg, en boîte de 7 ou de 21). Le fruit sans doute de la stratégie de Pierre Fabre qui a toujours voulu mener un projet de santé en lien avec les professionnels, et monter des actions de prévention dès le lancement du patch en 1992 : « Le pharmacien a une place majeure dans le processus de sevrage du fumeur, analyse le Dr Étienne André, conseil en santé publique pour le groupe. C’est lui qui va l’accompagner dans l’arrêt du tabac. Pour le soutenir dans son travail, nous proposons des outils de formation via la venue d’un tabacologue dans les grandes officines, la mise à disposition de fiches et des soirées de formation continue ». Le Dr Étienne André essaye de réduire la consommation du fumeur avec la voie orale – Nicopass - puis d’associer patch et pastilles afin que le traitement soit le plus sur-mesure possible. « Depuis le lancement du patch, en 1992, l’évolution a été considérable et nous pouvons dire aujourd’hui que nous proposons un véritable prêt-à-porter pour aider le fumeur. »
Pourtant, dans ce marché sensible aux politiques de santé, le praticien déplore que la lutte contre le tabac ne semble plus être une priorité de l’État : « Ces politiques doivent être reboostées, on doit sentir une pression politique pour le sevrage tabagique. Dans un marché plombé entre autres par la chute du Champix, notre travail mené en partenariat avec les pharmaciens, les médecins, les sages-femmes, avec le soutien du réseau de médecins Tabac et Liberté et la création de sites Internet – nicopatch.com et nicopass.com - pour accompagner le fumeur en ligne, porte ses fruits », indique le Dr André.
Pour convaincre le dernier noyau des accros à la pause cigarette, reste les nouveaux segments explorés par les laboratoires : antidépresseurs de type IMAO (inhibiteurs de la monoamine-oxydase), vaccins anti nicotine, médicaments anti manque. Ou encore des médecines dites douces. « L’homéopathie et l’acupuncture peuvent peut-être aider certains fumeurs qui tentent de renoncer au tabac, mais je rappelle que ces traitements ne sont pas validés par les autorités de santé », conclut le Dr Peiffer.
Olivia Jamet Le Quotidien du Pharmacien 17/09/2009
http://www.quotipharm.com/index.cfm?fuseaction=journal.article&DArtIdx=428787