– Arrêter de fumer : une question de goût (01/10/2009)
Une myriade de livres, de programmes, de méthodes et concepts thérapeutiques promettent aux fumeurs de les libérer de leur addiction, et tous ont leurs adeptes, bien que de valeur très inégale. Certains manquent même totalement de sérieux, et bon nombre d’entre eux sont très lucratifs.
Par quel biais perdre enfin l’habitude de fumer ? Une consultation online doublée d’un soutien médicamenteux ? Une thérapie de groupe ? Peut-être un traitement par hypnose ? Ou le programme « Non-fumeur en 8 jours » d’un professeur américain ? A moins de se lancer tout seul, après s’être dit « Cette cigarette, c’est ma dernière ! »…
Lorsqu’on décide d’arrêter de fumer, à chacun sa manière, c’est une question de goût, relativise Tania Steiner, directrice du projet Prévention du tabagisme à la Ligue pulmonaire suisse. Mais ce qui est décisif, c’est la motivation : quand le cœur n’y est pas, un sevrage a moins de chances d’aboutir.
Deux piliers
La dépendance à la nicotine repose sur deux piliers, nous explique-t-elle : d’une part le potentiel d’addiction propre à la substance elle-même, de l’autre la force de l’habitude. Rien d’étonnant donc à ce que les thérapies les plus efficaces soient celles qui se basent sur ces deux aspects. Certains médicaments tels que les gommes à mâcher ou les sparadraps, en diffusant de la nicotine, contribuent à réduire les symptômes de manque et permettent au patient de se concentrer sur l’acquisition de nouvelles habitudes.
Cet apprentissage de nouveaux « rituels » est au cœur de la thérapie comportementale. Par exemple, après un repas, faire une promenade ou se brosser les dents au lieu d’allumer une cigarette. Des techniques de relaxation et une approche différente du stress et des frustrations font également partie du traitement.
Mais attention à ne pas céder à la tentation de remplacer la gratification de la cigarette par des sucreries, car le risque de prendre du poids est bien réel : en effet, le corps fait désormais l’économie des 200 calories environ qu’il brûlait quotidiennement pour éliminer la nicotine absorbée. Sans compter qu’avec la disparition de l’effet inhibiteur de cette dernière sur l’appétit, la sensation de faim augmente. Tania Steiner recommande donc de s’offrir de petites récompenses sous forme de carottes à grignoter ou de gommes à mâcher en lieu et place d’une barre chocolatée, de faire attention à ce qu’on mange en général et de bouger le plus possible.
Quant à savoir si on entreprendra son sevrage en groupe ou en thérapie individuelle, c’est une question très personnelle. Tania Steiner recommande aux gros fumeurs, ou à celles et ceux qui fument depuis longtemps, un accompagnement concret plutôt qu’une thérapie online. Ajoutons que le travail de groupe présente l’avantage d’un certain contrôle social et du feed-back des autres. Les programmes sur Internet et les livres ont eux aussi leur utilité, pour autant que l’on arrive à se discipliner suffisamment pour mener à terme le programme sans la présence d’une personne de référence.
Effet controversé
Il existe en outre toute une palette d’offres plus ou moins efficaces. Des méthodes telles que l’acupuncture ou l’hypnose rivalisent avec imposition des mains, prière de guérison et charlatanisme. « Nous ne recommandons pas ce genre de thérapies, souvent infondées sur le plan scientifique », signale Tania Steiner. Et pourtant, de nombreuses personnes ne jurent que par ces recettes (en dépit de leur prix parfois élevé) et prétendent avoir réussi à arrêter de fumer grâce à elles. Les spécialistes supposent qu’on est là en présence d’une sorte de prophétie auto-réalisée, nourrie par l’attente du sujet.
Tania Steiner attribue cet engouement au fait que nombre d’individus ne sont pas prêts à affronter leurs problèmes ; ils préfèrent payer un tiers qui s’en chargera, éludant ainsi toute responsabilité vis-à-vis d’eux-mêmes et de leur comportement.
Une myriade de livres, de programmes, de méthodes et concepts thérapeutiques prétendent de libérer les fumeuses et fumeurs de leur dépendance. Le choix est par conséquent difficile.
L’embarras du choix
Alors devant cette pléthore d’offres, comment trouver celle qui nous conviendra le mieux ? Tania Steiner recommande de se mettre en contact avec une organisation telle que la Ligue pulmonaire, dont les sections cantonales peuvent non seulement proposer des cours pour arrêter de fumer (individuels ou en groupe) mais aussi aiguiller le public vers les ressources locales. De leur côté, les médecins de famille sont à même d’apporter une aide ponctuelle, et certains sites Internet publient des programmes online gratuits.
Quant à ceux et celles qui veulent effectuer leur sevrage à l’aide d’un livre, il leur faudra tout d’abord trier le bon grain de l’ivraie. Peut-être cela les aidera-t-il d’apprendre que Tania Steiner a fait de bonnes expériences avec le livre de Maja Storch intitulé « Rauchpause » (en allemand, non traduit à ce jour). Mais là non plus, il n’existe pas de « meilleur livre ». Un livre doit nous parler et venir à notre rencontre, nous trouver là où nous en sommes.
Une chose est sûre : s’il n’est pas de « meilleur livre », il peut en exister de mauvais ! Ceux dont les auteurs promettent de vous libérer de la nicotine sans aucun effort ne valent pas grand-chose – sauf pour l’éditeur, qui s’en met plein les poches. Tania Steiner le répète : « Il n’y a pas de miracle. Pour réussir à arrêter de fumer, ce qu’il faut, c’est une motivation inébranlable et une détermination à toute épreuve ».
Extrait des Nouveautés de l’ISPA - 01/10/2009
http://www.sfa-ispa.ch/CMS/DetailSTO.php?IDpub=650&IDarticle=147&langue=F