États-Unis - Trouble bipolaire : Connaissances en 2001 (12/09/2005)


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 Trouble bipolaire : Connaissances en 2001 (12/09/2005)

Introduction
Une inattention et une hyperactivité-impulsivité cliniquement handicapantes chez un enfant peuvent être l’expression de :
– trouble du déficit d’attention avec ou sans hyperactivité (« TDAH » ou en anglais « ADHD »), une condition génétique innée créant des différences cérébrales structurelles prénatales. Cette condition entraîne un fonctionnement exécutif différent, une perception accélérée du temps qui passe, et un manque de contrôle de soi ;
– opposition-défiance (« ODD ») ou trouble du comportement (« CD »), traits de caractère devenus excessifs, voire antisociaux, suite à un stress intense. Le stress fautif est d’origine souvent physiologique (TDAH, traumatisme crânien, maladie), ou plus rarement psychologique (problèmes familiaux graves, décès d’un parent, abus sexuel…) ;
– trouble bipolaire, maladie chronique que les professionnels ne savent diagnostiquer chez l’enfant que depuis quelques années. C’est l’objet du résumé qui suit ;
– autres causes plus rares : épilepsie, traumatisme crânien.

• Adultes :
Combinaison de dépression et de suractivité, présents parfois simultanément, mais plus souvent alternativement. La fréquence des cycles alternatifs peut être très lente (moins vite que le cycle des saisons) à très rapide (plusieurs alternances par jour).
• Enfants :
Symptômes d’inattention, impulsivité, hyperactivité, irritabilité, intolérance à la frustration, et agressivité
• Diagnostic : - Chez les enfants de plus de 9 ans : selon les critères du manuel psychiatrique DSM4
 Chez les enfants de moins de 9 ans : selon livre de Dimitri Papolos
• Cause : maladie chronique favorisée par une sensibilité génétique et déclenchée par :
 un stress psychosocial dans l’enfance (par exemple choc psychologique),
 un stress physiologique (par exemple le stress physiologique généré par le TDAH).
La sensibilité génétique se traduit dans le cerveau par une surabondance de 30 %, sur la membrane des neurones des régions du thalamus et du stem central, de monoamines productrices de sérotonine et de norépinéphrine.
• Fréquence : 1 % de la population (7 % au sein d’une même famille). Le risque est la tentative de suicide (ou pire le suicide).
• Comorbidités : Le trouble du déficit d’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) est simultanément présent dans 90 % des cas
• Traitement pharmacologique :
 cycles lents : lithium + additifs pharmacologiques tels que les stabilisateurs tranquillisants
 cycles rapides : antidépresseur + antipsychotique + stabilisateur tranquillisant
 si comorbidité TDAH : psychostimulant possible, mais après traitement par tranquillisants
• Traitement alternatif en cours d’expérimentation pour cycles rapides ou combinés :
 alimentation fortement enrichie en acides gras polyinsaturés oméga-3 EPA et DHA
 application au crâne d’un champ magnétique d’amplitude faible en forme de « volcan renversé »
• Remarques :
 Le trouble bipolaire chez l’enfant est souvent diagnostiqué par erreur comme étant un TDAH car les symptômes se ressemblent étroitement.
 Le trouble bipolaire est une maladie acquise.
 Le TDAH est une condition innée (réplication de gènes).

1. Diagnostic
Le diagnostic serait posé en moyenne dix ans après le déclenchement de la maladie. Le rapport Stanley s’inquiète du gouffre qui se creuse entre la connaissance scientifique et leur prise en considération dans la pratique médicale. Le rapport du NIMH de 1998 sur le TDAH observait le même phénomène dans le traitement du TDAH aux USA. Le rapport Stanley insiste sur la nécessité de commencer à traiter le trouble bipolaire plus tôt pour enrayer le risque ultérieur de dégénérescence des neurones.
Chez un enfant, les symptômes bipolaires recouvrent ceux du TDAH : distractibilité, inattention, impulsivité, hyperactivité. Par contre, les symptômes bipolaires spécifiques sont : agressivité davantage volontaire qu’impulsive, dépression, psychoses, excitabilité, changements fréquents d’humeur, désintérêt à l’égard du sentiment des autres.
Les symptômes bipolaires recouvrent en partie ceux de l’opposition-défiance avec trouble de conduite : impulsivité, agressivité, défi de l’ordre et des règles, vol.
Les particularités bipolaires sont que le comportement asocial n’est présent qu’en phase haute dite « maniaque », et qu’il est peu influencé par les interactions sociales.
Les ressemblances avec la schizophrénie sont : illusions et hallucinations. La différence majeure serait que la maladie bipolaire n’affecte absolument pas le fonctionnement mental qui reste tout-à-fait normal.

2. Traitement
Le traitement le plus connu et le plus employé est le lithium. Mais ce traitement ne serait approprié que dans les cas de cycles lents, basculant chaque saison ou bien moins fréquemment encore. Les professionnels appellent les cycles des « épisodes ». Le réseau international d’hôpitaux de la fondation Stanley a étudié l’efficacité et la sécurité de médicaments classiques et nouveaux sur 560 patients. Un rapport partiel a déjà été publié.
• Quel traitement en cas de cycles rapides ou mixes chez l’adolescent et l’adulte ?
Le rapport Stanley recommande une combinaison de trois agents. Seuls les psychiatres sont à même de déterminer le choix et le dosage des trois médicaments au cas par cas :
 stabilisateurs d’humeur : lamotrigine (Lamictal), carbamazepine (Tegretol), ou valproate (Depakote)
 antidépresseur qui traite la phase dépressive : bupropion (Wellbutrin) qui régule le neurotransmetteur dopamine, ou bien sertaline (Zoloft) qui régule le neurotransmetteur sérotonine, ou bien venlafaxine (Effexor) qui régule la sérotonine et la norépinéphrine
 antipsychotique qui calme la phase hyperactive appelée phase « maniaque » : olanzapine (Zyprexe) qui aurait moins d’effets secondaires (dyskinésie) que les antipsychotiques courants.

• Quel traitement chez l’enfant ?
Le rapport Stanley :
 met en garde contre l’emploi inadéquat et dangereux des antidépresseurs tricycliques
– déconseille les psychostimulants (même en cas de comorbidité avec le TDAH, conseillant de traiter le trouble bipolaire avant le TDAH plutôt que simultanément).
 privilégie parmi les traitements pharmacologiques classiques le valproate, le carbamazepine, ou le lithium. Ce serait suffisant dans la moitié des cas. Dans l’autre moitié des cas, d’autres médicaments peuvent être ajoutés.
 suggère comme médicament d’avenir l’anticonvulsant levetiracetam (Keppra), car il a moins d’effets secondaires.
 suggère comme traitement alternatif efficace et sûr la consommation d’acides gras polyinsaturés à chaîne longue de type oméga-3 (poissons des mers froides). L’avantage de ce traitement, outre le fait qu’il est naturel, est que ces acides gras alimentaires possèdent simultanément les trois effets de stabiliser l’humeur, diminuer les accès dépressifs, et diminuer les accès hyperactifs. Comme le lithium, ce sont des inhibiteurs de « PKC PI3-kinase-akt ».
 suggère comme possible traitement, à titre expérimental, l’application d’un champ magnétique traditionnellement utilisé pour calmer les douleurs. Cette méthode serait aussi un moyen efficace et sans effet secondaire de traiter les dépressions mono polaires sévères.

3. Biochimie du trouble bipolaire
• Quelles sont les anomalies ?
Le trouble bipolaire est caractérisé par :
– la surabondance dans le cerveau de monoamines productrices de sérotonine et de norépinephrine
– la surabondance dans le cortex de récepteurs postsynaptiques de sérotonine de type 2 (5-hydroxytryptamine-2) ;
– la déficience en précurseur de sérotonine l’acide 5-HIAA (5-hydroxyindoleacetic acid) ;
– la surconcentration d’anticorps thyroïdiens ;
– la surconcentration d’ions calciums Ca2+ intracellulaires (par exemple lymphocytes) ;
– la suractivité de certains neurones dans une région du cerveau appelée l’amygdala ;
– une tendance des cellules gliales et des neurones à mourir prématurément.
Les études montrent une corrélation pouvant atteindre 65 % entre vrais jumeaux. Le facteur génétique est donc réel, mais pas suffisant. Des gènes supposés sensibiliser à un possible déclenchement de la maladie seraient sur différents chromosomes : les chromosomes 18, 21, et X en particulier. Le rôle du chromosome X expliquerait que la transmission de la sensibilité génétique soit plus faible par le père que par la mère.
• Quel est le mécanisme du dysfonctionnement ?
Il n’existe pas encore de modèle précis du dysfonctionnement. Le mécanisme général ressemble à un puzzle dont on a trouvé des morceaux, mais dont plusieurs manquent encore. Néanmoins, la lecture des rapports qui placent ces morceaux du puzzle sur la mosaïque semble suggérer la logique suivante :
L’amygdala est la région qui traite les signaux émotifs et génère les sentiments de peur et d’anxiété. La suractivité des neurones dans cette région est modulée par leur plasticité synaptique. Cette plasticité est elle-même modulée par les phospholipides issus des acides gras oméga-3.
Cette plasticité est aussi réglée de façon plus brutale par l’activation de récepteurs kainate de glutamate. Ces récepteurs au nom compliqué sont des bascules qui commandent le niveau d’activité synaptique sur la position « activité forte » (phase hyperactive ou maniaque), ou bien sur la position « activité faible » (dépression). Il n’y a que deux positions extrêmes. C’est un peu le bouton à bascule « PO/GO » à deux positions d’un vieux récepteur radio. La seule position intermédiaire est le cas oú l’interrupteur s’enraye. Le signal d’entrée de ces neurones réglés alternativement sur « très actif » et sur « peu actif », est le stress reçu sur les récepteurs alpha-adrénergiques, bêta-adrénergique et sérotonique. Or ces neurones sont un peu trop bombardés de neurotransmetteurs car il y a surabondance d’environ 30 % des monoamines qui les produisent, créant une hypersensibilité au stress émotif. Cette hypersensibilité est tantôt amplifiée, tantôt étouffée selon la position « PO » ou « GO » de la bascule. La suractivité dans l’amygdala génère des signaux parasites qui atteignent le cortex. Ces signaux parasites sont corrélés, sans que l’on sache si c’en est la cause précise, avec une déficience dans le cortex préfrontal de deux protéines nécessaires à la longue vie des neurones et des cellules gliales :
– la protéine kinase calcium-calmoduline CaMKII (essentielle au bon fonctionnement de la mémoire) ;
– la protéine d’acidité fibraire gliale GFAP
entraînant finalement un risque de mort prématurée de neurones et de cellules gliales.
• Comment agissent les médicaments stabilisant l’humeur ?
Les tranquillisants empêchent la capture de calcium par les récepteurs de NMDA (N-Méthyl D-Aspartate). Le lithium agit ainsi et, en plus, il facilite l’activation des récepteurs NMDA à pH acide, préservant ainsi la survie des neurones menacé par le manque de GFPA. Une autre façon d’inhiber les récepteurs NMDA sont les ions zinc Zn2+, eux-mêmes naturellement libérés lors de la transmission synaptique glutamatergique. L’hypothèse théorique d’une possible efficacité du zinc comme traitement a été émise, mais il n’y a encore eu aucun test clinique pour le vérifier.

4. Références
– rapport scientifique de la fondation Stanley (Stanley Foundation Bipolar Network), Robert M. Post et de Gabriele S. Leverich, département de psychiatrie biologique du NIMH (National Institute for Mental Health), octobre 2000
– Dimitri Papolos, Massachusetts General Hospital, « The Bipolar Child : The Definitive and Reassuring Guide to Childhood’s Most Misunderstood Disorder », décembre 1999
– rapports des recherches bio cellulaires menées à l’université du Michigan à Ann Arbor, professeur Zubieta, 2000
– Berrettini WH, Ferraro TN, Goldin LR, et al. Chromosome 18 DNA markers and manic-depressive illness : evidence for a susceptibility gene. Proc Natl Acad Sci USA. 1994
– Meloni R, Leboyer M, Bellivier F, et al. Association of manic-depressive illness with tyrosine hydroxylase microsatellite marker. Lancet. 1995

Dernière édition du 12/09/2005
Rédaction : Emmanuel Boudon, USA, pour Pascale Poncelet, Belgique


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