– Quels sont les facteurs non génétiques associés à la longévité exceptionnelle ? (30/04/2008)
La longévité est en grande partie déterminée par des programmes génétiques qui, pour l’instant, n’ont pas été décryptés. Les déterminants non génétiques, a priori modifiables, jouent certainement un rôle significatif. Les données épidémiologiques prospectives font actuellement défaut, a fortiori quand il s’agit d’une longévité, dite exceptionnelle, celle qui est l’apanage des sujets très âgés (> 90 ans), en nombre restreint pour l’instant, mais celui-ci est appelé à augmenter sérieusement dans les années à venir.
Une étude de cohorte prospective, en l’occurrence la Physicians’ Health Study (1981-2006), a inclus 2 357 sujets de sexe masculin (âge moyen de 72 ans). Un auto-questionnaire rempli à l’état basal, puis tous les ans, par la suite, a permis d’obtenir des informations sur divers facteurs environnementaux propres à influer sur la longévité, mais aussi sur les comorbidités.
La mortalité et la fréquence des maladies graves ont été appréciées à partir des observations médicales. Les capacités fonctionnelles chez le sujet très âgé ont été testées, 16 ans après l’inclusion dans l’étude, grâce à la version abrégée (36 items) d’un outil d’évaluation, en l’occurrence la SF36 Health Survey.
Au total, 970 participants (41 %) de la cohorte initiale ont survécu au moins jusqu’à l’âge de 90 ans. Certains facteurs ont été significativement associés à un risque élevé de décéder avant cet âge :
– 1) tabagisme (risque relatif [RR]=2,10) ;
– 2) diabète (RR=1,86) ;
– 3) obésité (RR= 1,44) ;
– 4) hypertension artérielle (RR=1,28).
En revanche, l’exercice régulier a été associé à une diminution de près de 30 % de ce risque (RR=0,72).
La probabilité de vivre 90 ans chez les sujets âgés de 70 ans a été estimée à 54 % en l’absence de tabagisme, de diabète, d’obésité, d’hypertension artérielle ou encore de sédentarité. Avec deux de ces facteurs de risque, elle a oscillé entre 22 % et 36 %, pour tomber à 4 % quand ces cinq facteurs étaient réunis.
Les nonagénaires se distinguent de ceux qui sont décédés avant l’âge de 90 ans par une meilleure hygiène de vie (moins d’un facteur de risque, 67 % versus 53 %) et une moindre fréquence de maladies chroniques, en règle de début plus tardif (3 à 5 années plus tard). Les performances physiques à l’âge de 90 ans ou plus se sont avérées supérieures (p<0,001), de même que le bien-être mental (p=0,03). La majorité de ces nonagénaires (plus de 68 %) jugeaient leur qualité de vie comme excellente ou très bonne (versus 45 %) tandis qu’un état de santé médiocre n’était rapporté que par 8 % d’entre eux (versus 22 %, p<0,001). La qualité des fonctions physiques tardives a été associée à la pratique d’exercices physiques réguliers, à la différence du tabagisme et du surpoids qui ont eu un effet inverse. Le tabagisme a également été associé à une altération des fonctions mentales.
Cette étude de cohorte prospective n’aboutit à aucune révélation fracassante. Ses résultats sont néanmoins importants, car ils suggèrent que la lutte contre certains facteurs de risque modifiables favorise probablement la longévité exceptionnelle. L’absence de tabagisme, le contrôle du poids et de la pression artérielle, mais aussi l’exercice physique régulier sont autant d’atouts qu’il faut avoir dans son jeu, d’autant que ces derniers semblent aussi garantir le maintien des performances physiques et mentales, tout autant que la qualité de vie chez les nonagénaires. Encore faut-il que ces mesures trouvent un écho génétique favorable.
Yates LB et coll. : Exceptional Longevity in Men. Modifiable Factors Associated With Survival and Function to Age 90 Years. Arch Intern Med. 2008 ; 168 : 284-290.
Dr Peter Stratford www.jim.fr 30/04/2008